jeudi, mars 29, 2007

LA PETITE MER DES OUBLIÉS Étang de Berre, paradoxe méditerranéen


LA PETITE MER
DES OUBLIÉS
Étang de Berre, paradoxe méditerranéen
Photographies
Franck POURCEL
Textes
Jean-Louis FABIANI

Rares sont les territoires qui concentrent autant de paradoxes. L'étang de Berre est aujourd'hui l'un des plus importants complexes pétrochimiques d'Europe (et l'un des plus dangereux), mais il accueille aussi tout ce qu'on peut attendre d'une région balnéaire. On y pratique une pêche nocturne spectaculaire, on y chasse le canard, on s'adonne aux plaisirs de la plage et aux sports nautiques les plus novateurs. Mais ces réalités sont morcelées, entrecoupées par une activité industrielle à haut risque qui balaie le paysage et conditionne les modes de vie. Face à cette démesure, l'homme tente de trouver sa place et invente quotidiennement des stratégies de survie et de reconquête...
Depuis 1996, Franck Pourcel photographie ce territoire avec la double approche qui caractérise son travail : à la fois artistique et ethnologique. Ses images écrivent en quelque sorte l'histoire invisible de ceux qui peuplent l'étang, ouvriers, pêcheurs, baigneurs, tous « oubliés d'une petite mer » qui se jette dans la Méditerranée.
Jean-Louis Fabiani apporte un éclairage sociologique à ces photos : ces mots disent la mémoire humaine d'un territoire trop souvent réduit à son apparence paysagère et à ses pics de pollution.

LES SPECTATEURS DU TEMPS Pour une sociologie de la réception du cinéma


"Les oeuvres d'art n'existent et ne durent que par l'activité interprétative de leurs publics respectifs". Dans son travail de recherche sur la réception des oeuvres d'art, l'auteur insiste sur l'importance de la notion de temps, terme qu'il faut mettre au pluriel tant dans la vie sociale s'entrecroise sans se confondre une multitude d'appréhensions des temps. Cet ouvrage propose sur la base d'une enquête exemplaire non seulement un apport de connaissances nouvelles sur les rapports des spectateurs aux films, mais aussi une méthode d'investigation nouvelle et originale.

Le Don du patrimoine : Une approche communicationnelle de la patrimonialisation


Après L'Exposition à l'oeuvre qui traitait de l'exposition comme média de communication et comme médiation symbolique, Le Don du patrimoine propose une approche communicationnelle de la patrimonialisation en rupture avec les interprétations parfois simplistes dont le patrimoine fait souvent l'objet.
La situation de ce dernier est en effet paradoxale : invoqué sans cesse, appliqué à tout, il n'en est pas moins stigmatisé comme la figure du conservatisme culturel. Délaissant ces polémiques, l'ouvrage propose l'examen de quelques questions de base : par quelles opérations le caractère patrimonial est-il conféré à certains objets. Que représente cette institution en termes de liens symboliques dans une société ? Comment les objets sont-ils soustraits à leur statut ordinaire pour devenir objets de patrimoine ? Quel lien s'établit alors entre des temps et des cultures différents ?
Le Don du patrimoine montre ainsi que l'explication économique ne suffit pas pour comprendre la dimension anthropologique de cette communication particulière que le patrimoine instaure avec ceux que nous nous choisissons comme nos ancêtres culturels.

http://www.sfsic.org/

Critical Review of the Social Sciences Nº 67


Helena Santos

About audiences for culture: an illustrated reflection on a Portuguese case
This article analyzes the creation and production of an opera by the Educational Department of the Casa da Música from the perspective of work done with the active involvement of participants recruited in two public housing projects of the city of Oporto. The aim is to problematize this unprecedented experiment in the Portuguese context, as well as to relate it to some of the structural transformations of contemporary societies which put into question the analyses on audiences for culture.

Critical Review of the Social Sciences Nº 67
December, 2003

Le(s) publics(s) de la culture


Le(s) publics(s) de la culture

Olivier Donnat et Paul Tolila (dir.), Presses de Sciences po, 2003, 716 p. (dont 323 sur le CD-Rom joint), 28 €.

Issu du colloque éponyme qui s'est tenu en novembre 2002, cet ouvrage collectif fera référence pour tous ceux qui s'intéressent à la sociologie des pratiques culturelles ou, plus largement, à la connaissance des publics de la culture et de leur comportement. L'intérêt du volume vient notamment du fait qu'il réunit à la fois des contributions se situant à des niveaux très différents d'analyse, offrant ainsi un panorama très complet de ces pratiques. Seule restriction : tous les textes, sans exception, concernent la situation française et portent plus spécifiquement sur les équipements culturels (cinémas, musées, théâtres...).

La partie papier de l'ouvrage réunit les analyses les plus générales, avec notamment une mise en relation de l'évolution des pratiques culturelles et des « mutations sociales » : massification de l'école (François Dubet), individualisation de la famille (François de Singly) ou des moeurs (Olivier Galland)..., qui invitent à chercher ailleurs que dans le secteur culturel lui-même les facteurs d'évolution des pratiques culturelles.

On trouve également dans cette partie une discussion de la théorie de la légitimité culturelle qui, inspirée par les travaux de Pierre Bourdieu, « hante » toujours, vingt-cinq ans après la publication de La Distinction (1979), les grandes enquêtes du ministère de la Culture et nombre de travaux de sociologie de la culture. La deuxième partie de l'ouvrage, quant à elle, réunit plus de trente contributions qui sont autant d'analyses empiriques des publics des divers équipements culturels (les jeunes et la culture, le public des médiathèques et bibliothèques, des musées, du spectacle vivant). Cette partie étant livrée sur CD-Rom, sous forme d'un fichier au format .pdf, il vous faudra être équipé en informatique pour pouvoir la lire.

XAVIER MOLÉNAT
Sciences Humaine
Mensuel N° 149 - Mai 2004
Les nouveaux visages de la croyance

La relation amoureuse : analyse sociologique du roman sentimental moderne


La relation amoureuse : analyse sociologique du roman sentimental moderne / Bruno Péquignot. - Paris :
Ed. L’Harmattan, 1991. - ISBN 2-7384-1015-4
Le roman sentimental charrie tout un monde de représentations construites a priori et pour la plupart dévalorisantes. Sociologue de la culture, de l'art, des oeuvres, au travers d'une enquête, Bruno Péquignot établit une typologie du roman sentimental moderne et de sa lectrice en lopposant à sa critique. Ainsi, on se rend compte que les représentations les plus critiques et acerbes du roman sentimental sont produites par les femmes : c'est une forme d'intériorisation du modèle de domination qu’elles rejettent. En marquant leur différence avec la lectrice du roman sentimental, elles réifient ce modèle.
Le roman Harlequin n’a pour objectif que de distraire ses lectrices et par une attention particulière des attentes des
lectrices, ces éditions proposent des collections qui touchent tous les publics. Les héros et héroïnesont évolué au fur et à mesure des changements sociaux. Les romans mettent en scène des jeunes femmes indépendantes et insérées dans la vie active et ainsi jouent le rôle de roman d’initiation : l’héroïne subit des épreuves qui la mènent à l’épanouissement. Elle devient une femme. Le « happy end » obligatoire positive le passage à l’âge adulte. Par exemple, le mariage, institution impresionnante, est ainsi dédramatisé.

La démocratisation culturelle. Une médiation à bout de souffle



Auteur(s) : Jean Caune
Editeur : PUG
Date parution : le 06/07/2006 - ISBN : 2706113405
Nombre de pages : 205

L'art présente une dimension politique. Ne serait-ce qu'en raison des conditions de sa production et des dispositifs socio-économiques de sa diffusion. Alors que l'art modèle les comportements et les attitudes sensibles, les conditions de sa réception, dans l'espace et le temps de la collectivité, ont trop souvent été négligées. Le génie rhétorique de Malraux aura été de proclamer, dès 1935, que l'héritage culturel se conquiert; cette conquête, qui présuppose une volonté politique, se réalise par l'attention à l'oeuvre d'art. Le lyrisme de Malraux a su témoigner de la capacité de l'art à forger une sensibilité commune et, par là même, à contribuer à la construction d'une communauté culturelle. Son talent politique a su convertir le souffle de son verbe en force d'entraînement. Ainsi la conjonction du discours et de la conviction a eu un effet fondateur : avec la création du ministère des Affaires culturelles, en 1959, la Ve République se fixait la mission de «rendre accessibles les plus grandes oeuvres au plus grand nombre d'hommes» [Malraux, 1996, 257]. La volonté de lutter contre l'inégalité d'accès à la culture se fondait sur la confiance en l'universalité de la culture qu'il s'agissait de faire partager. En faisant de la culture un objet de sa politique, l'État français se donnait, dans les années 1960, un nouveau moyen d'assurer la cohésion nationale, d'orienter les transformations sociales et de définir des pôles d'identification. Ce discours, mis en acte dans une politique, prolonge le «Grand récit» qui fait de l'art une activité autonome et lui reconnaît, dans sa fonction historique, un rôle de transmission de valeurs universelles par la médiation de la forme.

Jean Caune est professeur émérite à l’université Stendhal de Grenoble. Après avoir été comédien et metteur en scène, il a mis en place le centre d’action culturelle de la Villeneuve de Grenoble et dirigé la maison de la culture de Chambéry (1982-1988). Chercheur au Gresec, ses travaux recouvrent le domaine des pratiques esthétiques envisagées comme processus de médiation culturelle.

LA PERFORMANCE DES VULNERABLES


LA PERFORMANCE DES VULNERABLES
par Emmanuel Ethis, Jean-Louis Fabiani et Damien Malinas
un texte écrit en juillet 2003 suite à la crise d'Avignon
( La performance des vulnérables, Avignon : des lycéens aux intermittents - Alix de Montaigu)

Il n’a suffi que de quelques éditions au Festival d’Avignon pour s’imposer en tant que lieu rituel de mise en tension des trajectoires et des projets de l’aventure théâtrale nationale et européenne. Rêvée toute l’année, la confrontation avec les pairs et le public est simultanément une fête et une épreuve. Dans un métier où l’évaluation est toujours vécue comme un jugement sur la personne, où la convivialité ne va pas sans brutalité, le temps du Festival est celui où l’approfondissement de soi permanent qu’implique le métier d’acteur se mue en extraversion. Un festival ordinaire est toujours au bord de la crise, dans un univers où les chances de montrer son travail sont rares, où persiste la disproportion entre, d’un côté, l’intensité de l’effort de préparation, de mobilisation et de coordination et, de l’autre, la rareté des fenêtres où l’on peut être vu et aimé. La vie d’artiste impose le choix de l’incertitude maximale et exile les candidats par rapport aux régularités tranquilles de la société ordinaire : elle crée une sorte d’aristocratie aux faibles ressources, mais où la promesse d’un parcours réinventé chaque jour est la rétribution.

La crise des intermittents rompt le pacte qui repose sur l’échange admis entre l’incertitude et la liberté : ne reste que la certitude du désespoir, de l’interruption du jeu. Ce n’est pas la défense d’un style de vie où un minimum de confort qui est en jeu. La menace porte sur quelque chose de beaucoup plus diffus et de beaucoup plus fort : la possibilité même de se jouer des déterminations sociales en jouant, de se maintenir en suspension dans l’ordre social, de ménager un chemin de liberté qui a son coût social, mais dont la crise révèle soudain l’énormité. Que se passe-t-il lorsqu’on cesse de jouer à être un autre pour être réduit à être un simple individu social ? Les visages et les corps disent l’anxiété de cette fin de partie annoncée. Le paradoxe de l’action collective éclate : pour certains, il s’agit de ne plus jouer pour continuer à jouer, pour d’autres, il s’agit de jouer à n’importe quel prix, pour sauver sa peau d’artiste. La menace redoutée installe des arguments qui justifient les attitudes les plus contradictoires.

L’interruption est momentanée, mais qui sait ? Dans la suspension, il y a toujours l’anxiété de la fermeture définitive. Le festival est installé dans la durée : n’est-il pas aujourd’hui une tradition nationale, bâtie sur une chaîne intergénérationnelle faites d’émotions, de plaisirs partagés mais aussi de disputes. De disputes, de conflits sévères, certes, mais pas comme ça, pas au point que la mort du théâtre ne devienne une possibilité. Et les corps disent, plus que les slogans, le prix qu’on attache à être ici ensemble dans un lieu de mémoire par excellence dont on ne sait plus si l’est un lieu d’avenir. Nous avons tellement joué avec la mort du théâtre que nous sommes surpris, presque interdits, par cet arrêt de jeu.

On ne joue plus. Mais si l’on joue, on fait le jeu de l’ennemi… On joue. Mais si l’on ne joue pas, on fait le jeu du même ennemi. Impasses. Dilemmes. Surtout lorsqu’on sent qu’on n’existe pas hors du jeu. Avignon 2003 : nous savons désormais que les institutions sont mortelles. Nous célébrons un passé mythique, oubliant qu’il fut souvent cruel, parce que nous ne pouvons plus nous appuyer sur la promesse et le pacte fondateur : celui d’une communauté participative que les exigences comptables tiennent en un douloureux suspens. Avignon 2003 : pendant que BFA éteint à l’Espace Jeanne Laurent les bougies son dernier festival, on entend monter de l’ombre de l’entrée du Palais des Papes le souffle d’un harmonica ou d’un bandonéon qui joue l’air des trompettes de Maurice Jarre annonciatrices d’un spectacle qui, ce soir, ne n’aura pas lieu. La place du Palais est déserte. D’aucuns imaginent que c’est Denis Lavant qui joue là les fantômes. Mais l’on n’a jamais surpris ou jamais voulu surprendre ce musicien qui rappelle aux passants ce qui aurait pu être et qui n’est pas ; crainte de briser, sans doute, la performance fragile d’un vulnérable. C’est alors que nous sentons là la valeur immense que nous attachons à ces semaines de juillet, à ces rencontres légères et ces soirées tempétueuses où s’exprime, pour tous, artistes et publics, la nécessité de jouer. Avignon 2003 : une fin soudain possible. Ariane Mnouchkine est propulsée au milieu des forums où les publics n’ont d’autre choix que de devenir des « solidaires ». Alain Léonard est lui aussi solidaire. Avignon 2003 : le Festival n’aura pas lieu. La Maison Jean Vilar devient un refuge. Les commerçants de la ville soutiennent le off ! Alain Léonard est toujours solidaire et Marianne James fait salle comble tous les soirs. Avignon 2003 : le Festival n’a pas eu lieu

lundi, mars 26, 2007

Transmission fraternelle




http://domas.over-blog.com/
Merci de faire passer l'info à tous vos confrères.

jeudi, mars 22, 2007

Cueillir des serments Cette fleur sauvage Qui fait des ravages Dans les cœurs d'enfants



La sociologie, les sciences de l'information et de la communication, et plus généralement, les sciences humaines et sociales n'ont pas développé de rite de professionnalisation similaire au serment d'Hippocrate prononcé dans les facultés de médecine. Pour autant, les chercheurs en sciences sociales ne manque pas d'éthique. Si ces éthiques sont multiples, celles-ci sont rarement en toc comme le poulpe, enquêteur parmi les enquêteurs, nous amènerait à le penser dans un opus intitulé "éthique en toc".

-Malgré tout ce que j’ai pu voir comme saloperies, j’avais encore une certaine considération pour les chercheurs, les universitaires. Avec tout le respect que je te dois, on ne s’étonne plus d’apprendre qu’un journaliste en croque, que ses articles sont aux ordres…
Zill piqua une lamelle de blanc de seiche avec un cure-dent.
-Il n’y a pas d’offense. Si la presse me convenait, question liberté d’expression, je n’aurais pas été obligé de fonder mon propre canard…Pourquoi voudrais-tu que les juges, les avocats, les commissaires de police, les sociologues, les historiens aient l’échine moins souple que les pisseurs de copie ? Ils se connaissent tous, ils fréquentent les mêmes magasins, les mêmes restaurants, les mêmes concessionnaires de grosses bagnoles, les mêmes cocktails. Un véritable fonctionnement consanguin. Ils finissent par penser exactement la même chose au même moment…
Le Poulpe délaissa la seiche, par principe, pour s’attaquer aux poivrons.
- J’avais encore des illusions, à presque quarante ans. Pour moi, les historiens ne pouvaient être que des gens propres.
- Il y en a, bien sûr, mais il ne faut pas généraliser…N’oublie jamais que leur domaine est un enjeu de pouvoir. Celui qui dit l’histoire contrôle le présent et agit sur l’avenir… Tu crois qu’on les laisse bosser tranquillement ? Ils sont attachés à la laisse par l’institution, et ils font là où on leur dit de faire ! Ce n’est pas que le fruit du hasard si dans CNRS il y a CRS.
- C’est facile…Dans CeRiSe aussi…Et dans CaRuSo, CuRiSte ; CuRieuSe, CuRéS…
- Zill ne releva pas l’ironie.
Didier Daeninckx, Le Poulpe. Éthique en toc, Paris, Librio, 2000, pp 82-83.

Au regard de cette excellente aventure du détective, (incarné au cinéma dans une autre de ses aventures par Jean-Pierre Daroussin), la réalité est bien terne : autour de moi, je ne vois guère de diplômes de complaisance -en fait, je n'en ai point vu- : ai-je mauvaise vue ? selon moi, que des professeurs échangistes "échangent" ne les éloigneraient en aucune façon de leur déontologie professionnelle -ils doivent juste veiller à la qualité de l'échange- non ? de la même manière, les professeurs sont, toujours selon mon expérience, rares à truquer les concours -ils sont plutôt, et légitimement, en train de recruter pour ceux-ci- logique ? Mais je dois reconnaître qu'il doit être difficile de faire se dérouler une intrique policière dans une université, si on n'y introduit pas du vrai crime de fiction. Et cela même, si j'ai eu, il y a quelques temps, le désagrément de me faire voler un vélo à l'université, on imagine mal une aventure du commissaire Maigret et le bmx manquant. Comme pour la plupart des univers, Derrick lui-même aurait du mal à nourrir une de ces polies aventures avec l'activité ordinaire même universitaire : enseignement-recherche, parking-vélo et restau U et à moins que... tout cela ne cache complaisance, sexe, trucage (une sorte de sex, drug and rock and roll de l'intrigue policière universitaire). Dans le même sillon de sens, la déception de l'équipe de tournage de la prophétie d'Avignon (saga de l'été de France 2) face à la salle du conseil scientifique de l'université de la dite ville, les a amené à penser installer le vrai conseil scientifique de fiction dans le nouveau gymnase de la fac (voir à ce propos le blog d'Emmanuel Ethis socioblog sur la prophétie d'Avignon).
Ce détour par l'univers fictionnel du poulpe permet de mieux cerner, ce qu'en tant que réservoir symbolique, d'autres diront paradigme, l'université et particulièrement, les sciences humaines, permettent de mobiliser dans la fiction comme représentations. En France, on est loin de Will Hunting où l'université, Massachusetts Institute of Technology, est représentée comme le lieu des puants mais aussi comme le lieu de la mobilité sociale. Cette version de l'institution universitaire, qui n'est certes pas idyllique et rose, est assez éloignée d'une conception cynique, assez répandue dans nos contrées "ça ne sert à rien", "l'école et pire que tout l'université, reproduit les inégalités". Il faut dire qu'un temps historique n'a pas à être cohérent pour servir la cohérence d'un propos, et qu'en même temps, les grandes écoles sont présentées par ceux qui en sortent comme un facteur de démocratisation sociale : c'est sûrement cela l'école de (président de) la république. Mais l'université cinématographique et hollywoodienne entretient aussi d'autres versions de l'université plus criminelles : scream, souviens-toi l'été dernier en sont des exemples de la fac comme lieu de formation identitaire et de la violence qu'elle peut inspirer. Moins hollywoodien mais puissamment inscrit dans cette lignée de l'université comme lieu de construction de soi, Tesis, film d'étudiant d'Alejandro Amenabar met en scène une étudiante dont le doctorat de communication porte sur la violence à l'écran. Autre film, les lois des attractions tiré d'un roman de Bret easton Ellis montre la débauche et les sentiments croisés des étudiants sur le campus dans une tendance que l'on pourrait décrire comme hypermoderne. Chaque univers aurait donc les crimes qu'ils méritent fictionnellement ? Toujours est-il que l'imaginaire universitaire dans les productions audiovisuelles hexagonales semble bien étriqué ? Lorsque cet imaginaire n'est pas réduit à la cafeteria comme dans Hélène et les garçons, où le crime est tout au plus une question de soldes arrêtées ou des retards de Nicolas, (jamais les retards d'Hélène n'ont jamais eu le temps de prendre quelque intérêt narratif que ce soit !). On est bien loin du souffre décrit dans les films précédents. Et, lorsqu'on cherche le souffre universitaire dans nos tendres fictions, il est du côté de l'enseignant et de l'institution. Mais ce souffre n'a rien de flamboyant, non, plutôt, une vilaine odeur qui relève de la petite complicité : quelque chose de pourri au royaume du Danemark mais décrit comme la bourgeoisie provinciale de Flaubert. Le crime fictionnel de l'université est donc la complicité entendue comme la participation à un délit ou à un crime, aide apportée à celui qui commet le délit, entente criminelle.
Les étudiants certainement inspirés par le film de Mathieu Kassovitz "Assassin(s))" avec son sous-titre "Toute société à les crimes qu'elle mérite" m'expliquent que toute société a le cinéma qu'elle mérite : serait-ce le cas de la société des universitaires ? À ces questions sur la "complicité" des enseignants chercheurs, Raymond Aron qu'on taxait d'être entouré professionnellement par trop d'amis répondait qu'il les choisissait bien : ce qui est certainement une position éthique aussi valable que beaucoup d'autres. Mais, c'est ainsi que l'université, comme on l'a dit plus haut, est décrite systématiquement sous l'angle de la reproduction des inégalités sociales. Pourtant, le relevé de cette reproduction des inégalités sociales à l'université par Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron dans les Héritiers n'était pas fataliste mais avait et a pour but originel de dénoncer l'idéologie du don qui sous prétexte d'une distribution égale du savoir (dont la figure exemplaire le cours magistral dans sa définition consiste en l'absence de questionnement et d'interpellation possible de l'enseignant par l'étudiant) masquait les inégalités d'accès au savoir par rapport au milieu social d'origine.Il n'est pas question ici de discuter un ouvrage qui constitue un fondamental de l'apprentissage sociologique, mais de relever cette étrangeté qui fait que ce qu'on fait dire à cet ouvrage conduit trop souvent à réduire les personnes à leur origine sociale et donc finalement à réduire à néant l'événement, perturbateur et fondateur, que doit être une formation dans une vie. L'université et les diplômes doivent êtres aussi regardés comme ce qui permet à chacun de ne pas être résumé à son origine sociale.

À défaut de serment d'Hippocrate, il faut essayer de ne pas être trop hypocrite :

Quand je passe des examens, personne ici n’est en peine ; mes succès aux yeux de tous, sont la chose la plus naturelle du monde. Amertume du bon élève. ( …) Je ne suis pas très fier des pensées que je pense. Il me faudra beaucoup de temps pour comprendre que l’injustice est encore à mon profit dans ce malheureux partage.

George Duhamel (de l’Académie Française), Vue de la terre promise, chronique des Pasquier,1934, Paris, Mercure de France, pp 93-94.

Cette citation sera donc ici comme une forme d'exergue de ce blog. Je crois qu'étant des sciences historiques les sciences humaines et sociales ne peuvent prétendre au serment en tant que promesse solennelle prononcée en attestant un être ou un objet sacré. Elles en sont rendues à ces exergues qui définissent des éthiques datées dans la vie d'un chercheur et qui peut-être deviennent un texte plus important qu'elles-mêmes lorsqu'elles sont relues ensemble, non pas un serment, mais une promesse tenue.

Pour ceux à qui cela pourrait paraître obscur, c'est dans le temps de la relation avec mes directeurs de thèse Emmanuel Ethis et Jean-Louis Fabiani que j'ai pu comprendre les formes que prennent une éthique de chercheur en sciences sociales : les petites promesses tenues au fur et à mesure. Quant à moi, je suis bien trop jeune dans ma carrière de chercheur pour dire si je tiens mes promesses, mais je me suis amusé à rassembler les exergues de mes écrits universitaires adressés à un jury : maîtrise, DEA, thèse.

Quoi de neuf, docteur ?


En présence des Maîtres de cette faculté, de mes chers condisciples, devant l'effigie d'Hippocrate,
Je promets et je jure d'être fidèle aux lois de l'honneur et de la probité dans l'exercice de la Médecine.
Je donnerai mes soins à l'indigent et n'exigerai jamais un salaire au-dessus de mon travail, je ne participerai à aucun partage clandestin d'honoraires.
Admis dans l'intérieur des maisons, mes yeux ne verront pas ce qui s'y passe, ma langue taira les secrets qui me seront confiés et mon état ne servira pas à coorompre les moeurs , ni à favoriser le crime.
Je ne permettrai pas que des considérations de religion, de nation, de race, de parti ou de classe sociale vienne s'interposer entre mon devoir et mon patient.
Je garderai le respect absolu de la vie humaine.
Je ne remettrai à aucune femme un pessaire abortif.
Même sous la menace, je n'admettrai pas de faire usage de mes connaissances médicales contre les lois de l'humanité.
Respectueux et reconnaissant envers mes Maîtres, je rendrai à leurs enfants l'instruction que j'ai reçu de leur père.
Que les hommes m'accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses.
Que je sois couvert d'opprobre et méprisé de mes confrères si j'y manque.

Serment d'hippocrate de la thèse de Jean malinas présentée et soutenue le 29 octobre 1976 à l'Université scientifique et Médicale de Grenoble sous la présidence de M. le Professeur Yves Malinas dirigée par Georges Bossi pour obtenir le grade de docteur en médecine diplômé d'état : un nouveau type d'incision esthétique sus-pubienne (incision de Pandolfo).

Tete d'exergue 2006



Elliot : - Fonce, il faut sortir de là, Michael !
Michael : - Mais, j’ai jamais appris à conduire en marche avant !

Elliot : - Bon, écoutez, c’est l’homme qui est venu de l’espace et nous allons le ramener à son vaisseau spatial.
Greg : - Il a pas un laser pour se propulser ?
Elliot : - On est dans la réalité, Greg.

Elliot : - Regarde ce qu’ils ont fait de toi… Je suis vraiment désolé… Tu es sûrement mort parce que je ne sais plus ce que je ressens… Je ne ressens plus rien du tout. Tu vas ailleurs maintenant. Je croirai en toi toute ma vie, tous les jours.
E.T., je t’aime.

E.T., l’extra-terrestre, Steven Spielberg, Universal Studios, 1982, 115 mn.

Exergue de la thèse pour l'obtention du grade de docteur de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse soutenue par Damien Malinas sous la direction d'Emmanuel Ethis et Jean-Louis Fabiani.

Tete d'exergue 2001


Charles Nicolle m’a dit un jour, en parlant de notre collègue Vuillaume : « Il aurait donné sa vie, soyez sûr, il la donnerait encore, avec élan, pour faire une grande, une véritable découverte. » Dès qu’il aborde un tel sujet, Nicolle devient grave. Il a pourtant, mieux que personne, déjoué les caprices de l’esprit créateur. Il a souvent reçu la visite de l’ange.
Cette passion des savants en quête d’illumination, je la connais, je l’éprouve, je l’ai durement éprouvée. Sa vie ! Qui de nous ne la donnerait pour arracher un fragment, un éclat, une parcelle au noir diamant de la connaissance. Créer, en définitive, est la seule joie digne de l’homme et cette joie coûte beaucoup de peine. Nous, gens de la recherche, nous souffrons à notre manière qui n’est pas trop romantique. Nous savons parfois qu’il nous faut pourtant séduire l’inspiration, lui tendre des pièges, lui montrer « des lits pleins d’odeurs légères » ; Nous savons aussi que, parfois, la chance ne dédaigne pas l’homme endormi. Et nous nous assoupissons volontiers dans de petites besognes médiocres. Nous rampons sur notre chemin en espérant l’heure, l’heure de l’envol surprenant.

George Duhamel (de l’Académie Française), Vue de la terre promise, chronique des Pasquier,1934, Paris, Mercure de France, pp 93-94.

- Vous ne semblez pas songer beaucoup à votre enquête, dis-je enfin, interrompant la dissertation musicale de Holmes.
- Pas de données, encore, répondit-il. C’est une erreur capitale que d’échafauder des théories avant d’avoir des faits. Cela fausse le jugement.

Conan Doyle, Sherlock Holmes, une étude en rouge, 1995, Paris, Librio, pp 27-28

Exergue du mémoire de DEA de l'EHESS soutenu par Damien Malinas sous la direction de Jean-Louis Fabiani et tutoré par Jacques Cheyronnaud et Emmanuel Ethis : Des Spectateurs à l'Université. Éléments pour une sociologie de la culture cinématographique des étudiants.

Tete d'exergue 2000




Je vous rappellerai d'abord, à vous débutants, que les plus excellents penseurs qui vous ont précédé ne font qu'une mesure de leur vie et de leur travail. Ils respectent l'un et l'autre, et ils enrichissent l'un par l'autre. Certes, si les hommes ont coutume de les séparer c'est que leur travail est inconsistant. Mais vous avez compris qu'homme d'études, vous avez une occasion sans pareil de vous ménager une vie qui favorisera l'amour du métier. Choisir le métier d'intellectuel, c'est opter pour un mode de vie autant que pour une carrière ; sans toujours le savoir, le travailleur intellectuel se fait, lui-même, à mesure qu'il chemine vers la perfection du métier ; pour faire éclore ses richesses latentes, il se bâtit une personne où dominent essentiellement les qualités du bon ouvrier.

Charles Wright Mills, l'imagination sociologique, Paris, Editions, François Maspero, 1967.

Exergue du Mémoire de maîtrise de sciences et techniques de communication de l'université d'Avignon et des Pays de Vaucluse soutenu par Damien Malinas sous la direction d'Emmanuel Ethis : Métamorphoses d'une pratique culturelle ordinaire par un espace extraordinaire. Les publics du Festival International du Film de Cannes.

lundi, mars 19, 2007

Audition : transmission avisée



http://coulmont.com/blog/2005/11/10/redaction/
http://coulmont.com/blog/2007/02/27/recrutements-universitaires-session-1-2007/

Un commentaire par Marsyas (11/11/2005 à 11:54 am)
Curriculum vitae
Baptiste Coulmont a une longue notice très précieuse, tirée de sa récente expérience personelle de rapporteur, sur la rédaction des CV destinés aux commissions de spécialistes universitaires. À lire impérativement pour les futurs candidats. R…

mardi, mars 13, 2007

À la licence des étudiants !



Il y deçà quelques mois, lors d’un cours avec les licence 3 « sciences de la communication » de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse, entre 17h00 à 20h00, horaire que j’affectionne particulièrement, s’est produit un événement dans ma carrière de jeune enseignant-chercheur zélé et, certainement, un peu prétentieux.

J’ai omis de faire la pause. Plus exactement, étant lancé dans ce que les collègues de sciences de l’éducation appellent, je crois, une séquence pédagogique, autrement dit un tunnel d’où on ne peut sortir qu’à là fin si on veut que les étudiants ne perdent pas le fil et que, soi-même, on arrive à le retrouver, j’ai royalement accordé une pause à 19h15 et non à 18h30 comme le veut l’usage. De retour de pause, ce n’est pas 3 ou 4 étudiants qui avaient été perdus comme à l’habitude, et ce pour des raisons plus ou moins justifiées, de l’UE d’ouverture, des bus et trains…, mais approximativement, 32 étudiants évaporés. Mon ego d’enseignant fut touché (en fait, je ne crois pas, mais une partie des étudiants l’ont cru), cependant, il m’en restait quelques uns et je leur affirmais que si ce cours avait été sanctionné par un partiel et non par un dossier, les démissionnaires du jour auraient toujours été là (ce que je croyais). Malheureusement, à l’université, les absents n’ont pas toujours tort et, c’est donc aux présents que je m’adressais.

C’est au cours suivant que je suis arrivé avec un carton jaune collectif « pour toute la promo » : répondre en une page à la question « À quoi servent les études ? » à partir d’une pièce de théâtre de David Mamet. Il me semblait que cela avait au moins l’avantage de servir aux uns et aux autres. Puis, nous sommes rentrés en discussion comme on rentre en affaire. Les étudiants ont et, à juste titre, argué de la masse de travail qu’ils avaient que ce ne n’était pas après moi qu’ils en avaient et que je ne devais pas "personnaliser". Je leur répondais que je ne personnalisais pas non plus et que je ne pensais à aucun moment qu’ils soient venus par défaut et ou soient en permanence en défaut , ce qu’on dit malheureusement trop souvent des étudiants à l’université. Une étudiante m’a alors interpellé sur mon manque de professionnalisme dans la mesure où je ne différenciais pas les étudiants dans l’adresse que je faisais à leur encontre. Je dois reconnaître que cela doit être un défaut de sociologue des publics travaillant depuis les sciences de l’information et da la communication : je fais confiance à ceux qui reçoivent le même message pour s’individualiser et, parfois, à partir de ce qui peut devenir une expérience, créer du lien.

J’ai donc proposé aux étudiants de rendre leur page après les jurys du premier semestre, en leur signalant que j’étais tout à fait conscient qu’ils pouvaient ne pas la rendre et ne subir aucune sanction autre que celle de leur conscience professionnelle.

Les ¾ des étudiants ont rendu cette page. J’ai été très impressionné par ce qu’ils y racontaient et je leur ai proposé de publiciser leurs paroles, car je les trouve utiles pour d’autres et pas uniquement, étudiants ou enseignants. Cela a donné lieu à un blog :

http://etudesencommunication-avignon.blogspot.com/

Je remercie donc les étudiants de licence de cette leçon entre nous qui a fait que les présents et les absents avaient raison, que j’ai eu l’impression d’éprouver le sentiment de communauté universitaire, et qu’après avoir lu leur texte, les démissionnaires de ce jour-là n’auraient certainement pas plus été là, s’il y avait eu un partiel à la place d’un dossier, que les étudiants ne sont pas là que pour les notes.

Si un étudiant de licence 3 tombe sur cette page, (et non pas de licence 4, la réforme LMD a eu chaud en France), je serai très heureux qu’il puisse, peut-être, découvrir d’autres définitions d'une licence :

Permission, liberté qui est accordée à quelqu'un.

Autorisation délivrée par l'Administration d'exercer certaines activités économiques et plus particulièrement commerciales, moyennant redevance ou non. Droit de licence; licence de débit de boissons

Grade universitaire intermédiaire entre le baccalauréat et le doctorat et donnant accès à diverses fonctions; ensemble des études qui préparent à ce grade; diplôme correspondant à ce grade.

Licence libre. Licence dont les certificats étaient choisis par l'étudiant sauf incompatibilité, mais ne donnant accès ni aux concours de recrutement de l'enseignement public ni à cet enseignement. Auparavant, la sociologie constituait (...) la matière unique d'un certificat d'une licence libre.

Autorisation de pratiquer un sport dans le cadre d'une fédération et de participer aux compétitions; carte l'attestant.

État de dérèglement moral dans lequel vit une personne ou une collectivité. Licence effrénée; licence des camps (militaires).

Caractère d'un acte, d'une œuvre qui reflète une trop grande liberté morale. Licence des mœurs.

Liberté que prend un écrivain, un artiste ou qui lui est laissée par l'usage, d'enfreindre certaines habitudes, certaines règles de son art; ce qui en résulte.