Intervention de François Fillon, au Forum d’Avignon "Culture, Economie, Médias"
Madame le ministre, chère Christine Albanel
Madame le député maire, chère Marie-José Roig
Mesdames et messieurs,
Cet endroit m’évoque deux souvenirs. Le premier, par la configuration des lieux, c’est l’abbaye de Solesmes ; je pourrais faire mon discours en plain-chant ; le deuxième, c’est la Chambre des Communes, et je trouve que ce sont deux références qui ne sont pas méprisables. Après cette première édition, dont je veux saluer avec reconnaissance les organisateurs et le haut niveau des participants, le Forum d’Avignon va devenir un évènement régulier. Et je pense que c’est une excellente décision parce que les questions culturelles ont besoin de cette remise en question permanente. Certains se sont plus, pendant des années, à croire que la culture représentait l’élément intemporel des sociétés. Le résultat, on le connaît, c’est la schizophrénie mortelle qui s’installe entre un présent vibrant d’énergie créatrice et puis le renvoi constant aux canons d’autrefois. C’est la tentation pour nos sociétés de régler leurs questions culturelles en sanctifiant quelques stéréotypes commodes. C’est la tentation d’opposer le désintéressement prétendu des arts au mercantilisme supposé des industries culturelles. C’est la tentation pour les milieux de la culture de se poser en censeurs, et bien souvent en victimes, d’un marché qui divorcerait d’eux. C’est partout l’inverse de ce que nous désirons réellement. Ce que nous désirons réellement, c’est une culture directement associée aux pratiques et aux valeurs de la société qui l’entoure ; c’est une culture forte de ses énergies, porteuse de ses ambitions, une culture vivante, une culture reconnue comme vecteur du modernisme, du volontarisme et du génie national qui étincelle en chaque peuple.
La culture, facteur de croissance, je crois que l’idée tient de l’évidence, dès lors que l’on accepte de considérer la culture pour ce qu’elle est, c’est-à-dire plus qu’une trajectoire conceptuelle, plus qu’une activité académique, plus qu’une rêverie éphémère, mais bien un pan complet de notre projet de société. Depuis l’élection de N. Sarkozy, la France a décidé plus que jamais de miser sur sa capacité à créer, à innover ; elle a décidé de défendre ce qu’elle produit, elle a décidé d’être fière de sa culture, fière de son patrimoine, mais fière aussi de la modernité de cette culture, des fulgurances de ses artistes, des prouesses de ses architectes et de ses designers, des succès de ses programmateurs et de ses producteurs, de son cinéma d’animation, autant que de "La grande illusion" ou des "Enfants du Paradis", des bosquets de Versailles autant que des murs végétaux du musée du Quai Branly. Le gouvernement croit à la force de la culture ; il ne croit pas seulement en sa capacité de célébrer la vie, il croit aussi à la culture dans la cité, à la culture avec la cité et pour la cité. Et ce faisant, à côté de l’engagement de l’Etat et des collectivités territoriales, il croit en la convergence entre le monde culturel et le monde économique.
L’Etat n’a pas le monopole de la culture, et la culture n’a pas le monopole de l’Etat. D’autres acteurs existent, d’autres énergies doivent être sollicités au service de la culture. Il faut faire tomber une fois pour toute cette idée fausse et sclérosante selon laquelle la culture serait un monde clos et une affaire d’élite. Dans le même élan, il faut arrêter de penser que l’économie serait seulement un monde carnassier. Il faut également repousser cette idée suivant laquelle la culture est un luxe, un luxe que l’on peut s’offrir en temps de douce prospérité, alors qu’en réalité, la culture peut être un instrument pour aller à la conquête de la croissance. Oui, la culture peut contribuer à l’effort de croissance que la situation mondiale exige. Quand je parle de la situation mondiale, je pense évidemment à la crise. Je pense à la crise qui appelle un sursaut de créativité, un sursaut de synergies, un sursaut de productivité et je pense aussi à cette mondialisation dans laquelle nous avons - je veux parler de la France - trop longtemps hésité à chercher notre place et à revendiquer notre rang. Ma vision de la mondialisation part d’un acte de foi culturel. Je crois que notre nation entretient avec la culture une relation de faveur exceptionnelle, et cette relation de faveur exceptionnelle, il faut la défendre. Je n’accepte pas le discours sur le prétendu déclin de la culture française. Les diagnostics anglo-saxons de ce soi-disant déclin n’ont pas la lucidité à laquelle ils prétendent. Ces diagnostics reposent sur des visions statistiques et, pire encore, sur des visions statiques de la culture. Statistiques, les rapports de nos détracteurs égrènent les chiffres de tirages, de publications, de fréquentation des salles, sans se poser la question de savoir si le Prix Nobel de J.-M.-G. Le Clézio, si le Prix Prisker de J. Nouvel, si le prix Abel de J. Tietz, décernés la même année, ne sont pas, en eux-mêmes, l’indice d’une densité des milieux de la pensée française. Statiques, ils méconnaissent la valeur de la tradition, de la fierté intellectuelle, de la capacité à se réinventer qui perpétuent cette richesse. Ils méconnaissent la force de nos talents, celui de N. Dessay, d’E. Haïm ou de la musique électro française. Ils oublient le succès de "La môme", ils méconnaissent la puissance de notre attrait culturel : T. Monémambo, le francophone guinéen, Prix Renaudot, A. Rahimi, Afghan de culture française, le Prix Goncourt. Notre réseau culturel, le premier au monde n’est pas la simple traduction d’un chauvinisme désuet ; il est notre réponse à une demande constante issue de dizaines de pays où parler notre langue reste une liberté précieuse de l’esprit. Notre autorité politique, notre rayonnement diplomatique au sein des crises récentes, ne sont pas les simples résultantes de notre poids politique, de notre poids démographique ; ils le dépassent parce qu’ils s’adossent au prestige que notre culture conserve.
C’est pourquoi je crois aussi que la culture dessine une certaine idée de l’Europe. L’histoire de l’Europe, c’est l’histoire de ses frontières, c’est-à-dire de la longue recherche d’un critère commun d’appartenance, d’un critère qui nous rassemble sans nous confondre. Eh bien, je suis convaincu que nous avons intérêt à le chercher du côté de la culture. Il existe en Europe des cultures nationales, mais il existe aussi, tout aussi évidente, une communauté de références et une esthétique partagée.
Sur les diverses cultures d’Europe s’impose le contour d’une civilisation europénne. A côté du gothique français tel qu’il s’incarne à Laon, à Amiens ou à Reims, un gothique allemand se dresse à Cologne, italien, à Milan, espagnol à Séville. Le roman russe, le roman français, le roman anglais trahissent autant de traits propres qu’une origine commune.
Ce n’est pas renoncer à l’originalité de chacun que d’en reconnaître la parenté. Ce n’est pas se montrer sectaire que de dire qu’ailleurs, d’autres esthétiques prévalent. La réussite de l’Europe ne se sépare pas, à mes yeux, d’une revendication culturelle dont la France s’est faite la pionnière. Depuis le Traité de Maastricht, la culture est reconnue comme un domaine d’action communautaire. Plusieurs programmes de soutien massif aux activités culturelles et audiovisuelles ont été mis en place depuis 1991. L’Europe a appris à ménager cette dualité si particulière des biens et des services culturels, à la fois objets de commerce, et en même temps, supports d’identité des Etats. Elle s’annonce comme un niveau crucial pour affronter les défis de l’ère numérique, et en particulier celui de la défense des droits des créateurs. Elle s’engage dans une véritable pédagogie de la responsabilité vis-à-vis des créations originales ; parallèlement, elle offre à tous le bénéfice de ses bibliothèques et de ses archives publiques ; elle organise en réseaux les ressources numériques nationales pour en élargir l’accès ; elle entreprend de mettre en lumière ce patrimoine commun qui est, avec notre pratique démocratique, le fondement majeur de notre sentiment d’appartenance.
La présidence française de l’Union européenne se montre, je le crois, je l’espère, à hauteur de ces enjeux. Elle a accueilli, sous la conduite éclairée de R. Donnedieu de Vabres, toutes les expériences artistiques des Etats membres de l’Union durant cette saison européenne. Le Conseil du 20 novembre doit adopter des conclusions relatives au développement de l’offre légale en ligne et de la lutte contre le piratage. Elle devrait également appeler à la promotion de la diversité culturelle et du dialogue interculturel dans les relations extérieures de l’Union. Elle devrait appeler à un soutien accru des activités culturelles et audiovisuelles, et je pense notamment aux réseaux indépendants culturels, à une mobilité croissante des artistes et des professionnels européens de la culture hors de l’Union.
Mon propos, Mesdames et Messieurs, participe d’une lecture culturelle de la mondialisation. Je crois que la mondialisation ne se résume pas à la répartition nouvelle des rapports de force économiques. Elle ne se résume pas à une redistribution des cartes militaires, industrielles ou financières. Je crois que la mondialisation est une bataille de l’intelligence, de la connaissance, et qu’à ce titre, elle a pour principale arme l’identité culturelle.
Vous me pardonnerez la tonalité peut-être un peu trop guerrière de l’image, mais je la crois, pour ma part, justifiée. Dans la rivalité mondiale, nos atouts culturels ne seront pas éternels, mais ils sont encore puissants, et ils nous donnent quelques années d’avance, peut-être, pour saisir les premiers rangs d’une globalisation qui réclame toujours plus d’ingéniosité, et toujours plus de créativité.
Nous ne serons jamais les gestionnaires tranquilles d’une culture immuable. Et c’est sur la triple conviction que je viens d’exprimer, que le Gouvernement, sous l’impulsion de C. Albanel, a fondé un projet volontaire et global.
Ce projet culturel, c’est d’abord la reconnaissance de l’audiovisuel public comme outil de culture populaire. Cette reconnaissance constitue un défi passionnant pour les équipes de France Télévisions. Et je pense que nous pouvons être fiers de ce qui va se passer le 5 janvier prochain à 20 heures 35. Ce jour-là, ce sera le début d’une télévision nouvelle, délivrée du diktat de l’audimat qu’impose la quête des recettes publicitaires, une télévision portée par une exigence de qualité. Bref, ça sera le lancement d’un grand projet culturel. Nos concitoyens regardent la télévision trois à quatre heures par jour en moyenne. Présente dans chaque foyer, elle constitue le plus formidable vecteur d’information, de connaissance et d’émotion. Est-ce que la politique, est-ce que la démocratie, est-ce que la nation peuvent se désintéresser de ce vecteur ? À l’évidence, non. Avec le président de la République, nous faisons le pari que, parmi toutes les chaînes, celles du service public se distingueront par leur singularité, par leur créativité, et par leur éthique.
Nous sommes en pleine discussion du cahier des charges de France Télévisions. Notre ambition, c’est de donner à France Télévisions un mandat clair. Il faut une télévision qui puisse présenter un programme culturel tous les soirs. Il faut une télévision qui prenne le temps d’ouvrir le téléspectateur à l’Europe. Il faut une télévision qui prenne le temps d’ouvrir le téléspectateur à l’environnement, aux métiers, à la vie démocratique, qui consacre ses moyens à la diffusion de la connaissance comme au débat de l’esprit. Une télévision qui fait vivre le meilleur du patrimoine cinématographique, et qui suscite la créativité des fictions télévisées.
Avec la réforme de l’audiovisuel public, nous faisons le pari que la qualité saura se défendre, sur le terrain de l’audience et sur le terrain de l’indépendance. Naturellement, je veux mettre en garde ceux qui seraient tentés de confondre l’exigence culturelle avec une sorte d’élitisme méprisant. Une télévision de qualité, ce n’est pas forcément une télévision qui regarde ses spectateurs d’en haut. C’est d’abord une télévision qui fait l’effort de leur transmettre le meilleur, sans snobisme et sans exclusive. Je pense que cette réforme est à bien des égards révolutionnaire. Et c’est la raison pour laquelle je refuse que l’enjeu soit réduit à un débat technique, à un débat financier ou un débat administratif. L’enjeu, il est culturel, et il est politique dans le meilleur sens du terme.
Notre projet culturel c’est aussi l’économie numérique. C’est la loi "création et Internet", la première au monde à protéger résolument les créateurs tout en préservant le dialogue entre les utilisateurs et les artistes. Cette loi consacre un équilibre entre deux droits absolus : la possession de l’œuvre, reconnue à son créateur, et l’accès à la connaissance et au service numérique, reconnu à l’usager.
A l’évocation de cette loi, je veux vous faire partager ma conviction que l’ensemble des nouveaux moyens de diffusion et leur audience représentent une chance formidable pour la création. Je veux aussi souligner le dynamisme exceptionnel de l’industrie française du jeu vidéo, toujours la première en Europe, quand le chiffre d’affaires mondial du secteur dépasse celui du cinéma.
Notre projet culturel, c’est la préservation d’une Education nationale pour tous et de haut niveau. Cette Education nationale a un coût : nous voulons qu’elle soit performante, mais nous refusons qu’elle abdique ses ambitions humanistes et ses contenus artistiques. Depuis la rentrée 2008, un plan ambitieux met l’accent sur le développement de l’éducation artistique et culturelle. Il fait de l’histoire des arts un enseignement à part entière ; il multiplie par quatre le nombre des classes à horaires aménagés au profit des pratiques artistiques, il prévoit que chaque établissement met en place un partenariat avec une institution culturelle pour favoriser un meilleur contact avec les œuvres.
Notre projet culturel, c’est aussi l’université, débouchée naturelle de cette éducation humaniste que nous voulons continuer d’entretenir. J’attache une importance particulière à l’autonomie des universités que nous avons désormais rendue possible. Du Moyen-Age à l’âge classique, les universités européennes ont tiré de leur indépendance intellectuelle leur indépendance financière, et de leur indépendance financière leur indépendance juridique. Eh bien, aujourd’hui, l’autonomie de nos universités, c’est une chance de recouvrer cette liberté ; c’est une chance de nouer avec leur territoire, avec les entreprises, avec les industriels, avec les organismes de recherche, des partenariats d’avenir. Je pense aux partenariats qu’une université comme celle d’Avignon, chère Marie-José, pourra nouer dans le futur avec les industries culturelles, grâce à sa notoriété, grâce à son histoire, grâce à la mise en place de formations ou d’unités de recherche spécialisées. Je pense que nous avons ici, en région, le germe d’une première université française de la culture.
C’est pourquoi notre projet culturel repose aussi sur le partenariat avec les collectivités locales, et au premier rang d’entre elles les mairies. A ces collectivités locales, nous avons décidé de transférer progressivement et en fonction de leurs attentes et de leurs demandes, une partie du patrimoine monumental de l’Etat. Une loi de 2004 en avait ouvert l’occasion à titre ponctuel. Une proposition de loi récente en relance et en élargit la possibilité.
La décentralisation, ce n’est pas le recul de l’action culturelle publique, c’est la redistribution des responsabilités et des moyens vers les territoires, c’est-à-dire vers l’initiative, vers la légitimité politique locale ; c’est l’appel à de nouveaux intervenants, c’est la conséquence naturelle de l’accent mis depuis le début de mon propos sur le respect des identités culturelles originales. Voilà le paysage culturel dans lequel l’Etat vous invite aujourd’hui à prendre votre place. La culture au service de la croissance demande que nous assurions la protection des marchés et des droits culturels, la valorisation des patrimoines matériels et immatériels, le développement de l’emploi dans les métiers de la conservation, du tourisme, des loisirs, du spectacle, et dans tous les secteurs qui y sont associés.
Et, inversement, la croissance au service de la culture suppose que les industriels fassent le pari de l’investissement, qu’ils identifient sans hésitation la culture comme un segment porteur de l’activité économique. Vous savez qu’aujourd’hui, l’encouragement que nous adressons au mécénat, aux fondations privées, est le gage de notre cohérence. Il est le gage de notre ouverture à des intervenants nouveaux et à leur logique. Je veux prendre un exemple très précis : c’est le financement du patrimoine monumental. On sait les besoins colossaux qu’il comporte, et le président de la République l’a souligné récemment, en rappelant qu’il faudrait au moins doubler notre effort. D’où l’importance de ne pas dissuader les acteurs de terrain, au premier rang desquels les propriétaires eux-mêmes. Peut-être que peu de gens savent que la moitié du parc monumental français est entre leurs mains. Ces propriétaires, pour préserver un patrimoine magnifique, acceptent de payer le prix de leur passion. C’est la raison pour laquelle j’ai voulu que la déduction fiscale pour les travaux sur les monuments historiques soit la seule qui échappe au plafonnement des niches. Et d’une façon plus générale, la loi du 1er août 2003, relative au mécénat et aux fondations nous a fait changer d’époque, en reconnaissant le rôle essentiel de la société civile aux côtés des pouvoirs publics, dans la défense de l’intérêt général. Les conditions qu’elle a créées pour ce partenariat sont parmi les plus avantageuses en Europe. Elle a favorisé l’émergence d’une véritable culture du mécénat aux expressions multiples : le mécénat financier, le mécénat de compétence, le mécénat en nature, le mécénat technologique. Aujourd’hui, les particuliers comme les grands groupes, les PME comme les très petites entreprises, tous les acteurs de l’économie ont désormais les moyens de marier leur intérêt à celui de la culture.
En 2003, deux chiffres m’avaient frappé : quand la somme des mécénats privés français plafonnait à 300 millions d’euros, les mécénats américains dépassaient les 12 milliards de dollars. La loi a déjà permis de multiplier le nombre des entreprises engagées par quatre et de passer de 300 millions d’euros à 1 milliard d’euros en deux ans. Eh bien, on voit le chemin qu’il nous reste à parcourir, il est tracé. Cela fait cinq ans que cette loi est votée. Je pense que c’est le moment d’en évaluer les résultats et de voir comment nous pouvons mobiliser davantage les financements privés.
Mesdames et messieurs, à l’échelle du pays tout entier, nous voulons récuser une bonne fois pour toutes l’idée que la culture serait un luxe, que la culture serait un secteur assisté, un investissement à fonds perdus, alors que 500.000 de nos concitoyens en vivent, que des villes comme Lille, Aix ou Avignon, pour ne prendre que ces exemples, ont été métamorphosées par leurs propres ambitions culturelles. Nous voulons donner au pays les moyens de saisir l’essor des nouveaux réseaux de communication, des nouveaux circuits de distribution, de leurs retombées économiques. Nous voulons que les artistes français puissent continuer de croire à la volonté culturelle de leur pays. Nous voulons donner à la France les instruments d’une politique culturelle qui joue à l’avantage de tous, par la création de richesses et par la création d’emplois. Eh bien je compte sur vous pour en être les partenaires, et pour en être les acteurs. La culture, ce n’est pas seulement le symbole d’une passion partagée ; la culture - en tout cas, c’est ce que le Gouvernement croit - est une chance économique pour nous tous.
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