dimanche, juillet 06, 2008

Le monde en chantier de la recherche sur les festivals



Habiter le monde, camper sa culture
Une ethnographie du Festival des Vieilles Charrues vécue par deux sociologues

Merci à Béatrice, Julie, Maryline , Jean-Philippe,

Dire bonjour : se présenter
Terrain : Carhaix Festival des Vieilles Charrues

Damien Malinas développe l'ensemble de ses recherches au sein du laboratoire Culture et Communication de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse dans le cadre du centre Norbert Elias autour de l'axe PUBLICS DE LA CULTURE - cinémas, festivals, événements- [sous la responsabilité scientifique d'Emmanuel Ethis (PR UAPV)]. Il est principalement chargé des questions afférentes à la transmission de la culture, du renouvellement de ses publics et des performance studies. Maître de Conférences Responsable du Master Publics de la culture du Département des Sciences de l'Information et de la Communication / Chargé de Mission Culture et Associations Culturelles de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse

Raphaël Roth est doctorant en communication sous la direction d’Emmanuel Ethis au sein du laboratoire Culture et Communication de l’Université d’Avignon et des Pays de Vaucluse dans le cadre du centre Norbert Elias autour de l'axe PUBLICS DE LA CULTURE - cinémas, festivals, événements. Chargé de cours. Assistant communication. Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Sujet de thèse : le cinéma, le merveilleux, la musique, l’emblématique.

Équipement : sac à dos, tente, matelas, carnets, stylos, appareil photo numérique, billets de train, bob, poncho, des boules quiès.

À deux sociologues, il y a un an, nous sommes partis aux Vieilles Charrues. Comme l’appelle de ses voeux Lévy Strauss, nous nous sommes laissés portés par le terrain. Mais, nous ne souhaitons pas que celui-ci soit un simple cache-sexe qui nous préserveraient de toute insertion dans la discipline par des entrées méthodologiques mais aussi théoriques. Après une campagne exploratoire, l’année dernière, nous –les mêmes deux- y retournons pour éprouver deux ou trois hypothèses décantées tout au long de l’année. Entre-temps, nous avons laissé du temps passé, rediscuter entre nous, confronter nos notes. Nous avons accueilli avec les étudiants du Master Publics de la culture –festivals, cinémas, événements, télévisions Marilyne Chasles, alors coordonnatrice des aspects développement durable au festival des Vieilles Charrues et Béatrice Macé, organisatrice du festival des Trans Musicales. Nos notes ont continué et ont évolué. Nous devons y retourner en équipe avec, s’ils l’acceptent, Emmanuel Ethis, Jean-Louis Fabiani, Alix de Montaigu, Yves Winkin nous avons pris des contacts avec l’université de Bretagne Occidentale.

Les notes qui suivent sont seulement mes notes retranscrites, un peu retravaillées mais inachevées. Raphaêl Roth doit mettre ses notes disponibles sur son blog. L’intérêt de montrer deux récits des récits récoltés réside dans ce qui suit et qui était alors relevé dans le cadre de l’enquête sur les publics d’Avignon.

Dans son roman, Le dossier H., Ismaël Kadaré raconte le périple albanais de deux jeunes chercheurs américains qui veulent percer les mystères de l’Iliade et l’Odyssée : Homère est-il un auteur original et génial ou un stabilisateur de légendes ? Les deux chercheurs en arrivent à douter même de l’existence propre d’Homère devenant alors une fiction qui deviendrait, avant tout, un argument pour qu’on raconte « ses » récits. Au travers de Max, l’un des deux chercheurs new-yorkais, on observe comment la question de la transmission et de l’appropriation d’une culture taraude Ismaël Kadaré : « Bref, comme il en va dans le métabolisme des êtres vivants, c’est une mort qui assure la pérennité de la vie. La question qu’il nous est arrivé de poser – oubli volontaire ou involontaire ?- nous semble désormais pêcher par naïveté. Jusqu’à présent, aucun rhapsode n’y a répondu, et non seulement aucun n’y a répondu, mais il ne s’en est même trouvé aucun pour la comprendre. Il me semble qu’entrent dans ce processus l’une et l’autre sortes d’oubli, mais sans un rapport entre elles qui demeurent pour nous mystérieux (mot providentiel dans les affaires de ce genre !). Ajoutons, ici que l’oubli n’est qu’un côté de la médaille. L’autre, qui lui est étroitement lié, est constitué par les ajouts ».

Ismaël Kadaré, Le dossier H., 1989, Paris, Folio/Gallimard, p 131.

Notes

« Bon festoche »
18 juillet 2007
Avec Raphaël, nous sommes déposés à la gare TGV d’Avignon par Emmanuel Ethis. À pied, nous croisons une connaissance de Raphaël qui est en van Volkswagen. Il nous demande où on va, Raphaël lui explique que nous allons aux vieilles charrues. Le chauffeur du van nous explique qu’il y est déjà allé et que c’est vraiment sympa, que l’ambiance « sans déconner » est géniale, il nous souhaite un « bon festoche ». Nous disons au revoir à Emmanuel Ethis. Le train part à 9 heures 25, arrivée à 12 heures 12 en gare de Lyon. Ensuite, bus 91 en direction de la gare Montparnasse, déjeuner au Quick. 14 heures 35, on remonte dans le train pour Guingamp où on prend la correspondance à 18 heures 03, direction Carhaix. De ce voyage, nous remarquons que les Lidle ont ponctué le territoire et le paysage. La température baisse depuis le sud. 18 heures 12, on monte dans une micheline crème et rouge pour Carhaix. Il y a deux wagons. Dans le nôtre, celui de devant, il y a environ vingt-cinq personnes, quinze garçons et dix filles, la moyenne d’âge est de vingt-cinq ans. Il y a des groupes de cinq, six. Un jeune homme boit une bière de (demander à Raf). Il y a une « dame» seule, elle a approximativement 55 ans, à la façon dont elle parle au contrôleur, il semble que ce soit une « locale ». Nous la recroiserons au retour, elle a l’air de prendre le train pour aller à son travail. Les looks sont détendus jeans, bermudas, baskets, sacs à dos.
Dans le temps du trajet, nous avons potassé avec Raphaël, les chiffres du Festival, une enquête produite par une association qui comme dans notre wagon indique une surreprésentation masculine au sein des pratiques culturelles habituellement plus féminines.

METTRE UNE SYNTHÈSE DE CES DONNÉES
ET QUELQUES REPÈRES SUR LES PRATIQUES CULTURELLES DES FRANÇAIS.

On s’enfonce dans la forêt. Le contrôleur prend nos billets, nous sourit et nous souhaite « un bon festival ». Le dispositif du festival pour le sociologue commence dans le train et dans le voyage qui amène au festival.

Dans le train, les discussions tournent autour des « chiottes » et relèvent généralement de sujets assez pratiques. Il se met à pleuvoir ou peut-être pleuvait-il avant qu’on arrive ? Planter la tente devient le sujet unique de conversation.

Arrivée à Carhaix à 19 heures 10, il pleut comme vache qui pisse. Nous trouvons un abri sous un pont de chemin de fer où des festivaliers sont déjà réfugiés. On les reconnaît à leur dégaine, leur paquetage et je remercie Raphaël d’avoir pensé à nous faire emmener des ponchos de pluie. Nous découvrirons pendant ces cinq jours une esthétique du poncho qui peut selon les personnes s’associer avec des tongs, des bottes ou des baskets. Seule une fois au point presse, nous entendrons ce qui doit relever de la catégorie « événement » puisque remarquable : « Une femme en talons hauts dans la boue, elle avait l’air malin ! ». Mais ces considérations vestimentaires n’ont pas empêché l’eau de monter et d’inonder la route à tel point que chaque voiture passant de façon plus ou moins bienveillante nous éclaboussait. Nous nous décidons à nous remettre en route, nous demandons notre chemin « Tout droit jusqu’au rond-point, puis à droite ». Une accalmie, nous filons, mais nous avons juste le temps de trouver un abri sous une tente auvent blanche devant la porte de garage d’une maison où nous retrouvons d’autres festivaliers. Ce petit havre qui nous protège des précipitations installé pour l’occasion est le temps du festival en fait une baraque à bières. Chacun pose son sac et se débrouille comme il peut pour retrouver son sec. Un garçon et une fille – 20-22 ans- sont à l’entrée de ce relais avant le camping, ils accueillent, commentent les abris plus sommaires et moins chanceux d’autres festivaliers. Le garçon fume une roulée, je lui demande si c’est possible d’en avoir une. Il me répond « Pas de problème pour les galères, c’est les vieilles charrues ! ». Plus loin dans nos échanges, je lui demande si :

- « C’est toujours comme ça ? »
- C’est la première fois ?! Non, ça fait quatre ans que je viens. Pour planter la tente, ça va être galère, parce que là c’est clair, on rentre pas à 150000 sous le auvent ».

La pluie se calme. On file et nous découvrons le site.

METTRE LE PLAN SCANNÉ

Nous retirons nos accréditations à la tente presse. Dans ce lieu des ordinateurs sont à disposition –Mac et PC-, des petits studios « radio » insonorisés, nous viendrons ici régulièrement déposer les photos numériques sur l’espace numérique de travail de Raphaël.

METTRE PHOTO DES JOURNALISTES AVEC CASQUE EN DÉCRIVANT LE DISPOSITIF ET SES RAISONS D’ÊTRE ET UN SCAN DU BRACELET VIOLET ET DES BADGES

Le lendemain, nous récupérerons nos bracelets violets qui nous permettent d’avoir accès au camping bénévole. Ce soir, l’agent de sécurité se montre souple avec nous, c’est généralement une grande qualité du service de sécurité. Nous discuterons lors de notre séjour avec Michaël : il nous expliquera qu’il « fait » d’autres festival dans le coin, qu’il est originaire du sud-ouest et que de-là où il vient , il y aussi de sacrées « fêtes ». Il nous dira aussi que, pour lui, la journée la plus dure était celle du samedi car avec la programmation, « des zonards débarquent ». Il faisait référence à la programmation le samedi de Diam’s l’année précédente et de Joey Star le week-end arrivant. Nous avons en effet constaté plus d’accrochages et empoignades le samedi, mais nous n’avons été à aucun moment en mesure de repérer une augmentation sensible du nombre de « zonards » qui les expliqueraient. Par contre, nous avons pu remarquer en observant mais aussi à notre propre état physique et qu’au bout de trois jours de festival, la fatigue, l’alcool montant aux têtes et la foule grandissante, les têtes d’affiche aiguisant la curiosité, les conflits naissaient relativement plus facilement et que le travail des agents de sécurité s’en ressentaient. Nous avons aussi discuté avec Michaël de la qualité de leur service et s’il y avait une raison particulière à celle-ci. « Ici, les consignes sont claires – le festivalier est roi-. Et c’est pas une blague, ici le festivalier, on n’a pas le droit d’y toucher. Ça peut même être un motif de licenciement, je ne dis pas qu’une claque ne se perd pas de temps en temps, mais on n’a pas le droit de toucher au festivalier ».

Installation de la tente, nous nous installons au plus près d’un château qui se trouve au fond du camping bénévole. Ce château a été rénové grâce aux fonds récoltés par les Vieilles Charrues et réinjecté dans la ville de Carhaix. On en entendra parler dans les troquets. Nous découvrons les sanitaires, où par bonheur, il y a de l’eau chaude : douche. 22 heures 00, nous allons manger dans le centre de Carhaix , il y a un pub avec de la musique, nous dirigeons vers une pizzeria qui ne nous souhaite pas la bienvenue. Finalement, nous trouvons un kebab qui n’est pas, maintenant c’est sûr, une spécialité bretonne.

Retour au camping et dodo à minuit, le bruit dure jusqu’à 3 heures 00.

19 juillet 2007

C’est le matin au réveil que je fais un retour sur mes notes. Une voix d’homme à l’extérieur de la tente claironne « Il est 8 heures 05, 8 heures 07 ». À 8 heures 30, on entend les premières discussions. À 9 heures 00, quelqu’un demande à ceux qui discutent de s’éloigner, ils s’exécutent –« C’est cool »-. Ce qui me frappe dans ce premier retour sur notes, c’est le peu de paroles, d’échanges, de textes de communication sur la programmation.
Dans le camp (j’ai noté que le camp ressemblait à celui d’Astérix), il n’y a pas tant de références, de signalétiques dédiées à la musique mais plus au développement durable. Chez les festivaliers, les échanges se concentrent sur le dispositif technique et sur l’expérience esthétique que l’on fait commencer dans le train et à la tente. Camper sa culture, habiter le monde prend un sens exemplaire ici par rapport à la forme festivalière. En effet, on sature sa vie de la pratique culturelle qu’on éprouve pleinement et physiquement en assistant à des concerts, mais aussi dans sa façon de se laver. Il y a dans tout une idée très collective. La dimension « public » du festivalier se retrouve dans tout et jusque dans le plus intime et le plus individuel puisqu’une partie du public peut éprouver des toilettes sèches . Le public transforme tout son territoire en espace public au sens que peut lui donner Habermas. Aller aux toilettes peut être lu et cela par les acteurs eux-mêmes comme un geste politique. Dans cette publicisation des pratiques, il ne s’agit pas de dire que les uns font tout devant et avec les autres. On comprend bien cette publicisation d’une pratique cela avec les toilettes qui sont des lieux habituellement destinés à ne pas donner de représentation de l’activité qu’on peut y avoir. On dit pour être moins impressionné par quelqu’un qu’il faut se le représenter sur le trône et on peut se rappeler ici la nouvelle de Kundera qui décrit les hommes en tous points identiques à Dieu sauf que ce dernier a créé « la merde » et depuis l’homme a construit toute sa civilisation pour la cacher. Aux Vieilles Charrues, même ceux qui ne pratiquent pas les toilettes sèches en ont une représentation. On y peut aussi une esthétisation de l’activité festivalière comme quelque chose de global et qui dépasse largement le simple fait d’assister à un concert.

Au moment du retour sur notes et dans une série d’associations d’idées liées aux différents terrains festivaliers que j’ai pu expérimenter, je me suis dit que si la forme festival comme on a déjà pu le montrer ne peut ni être résumé à un pèlerinage ni même recouvert en partie, elle n’était pas totalement soluble dans la seule idée de vacances. Pensant alors à La Trilogie de la villégiature de Goldoni monté à Avignon en 2002, j’ai noté qu’il faudrait aller voir la définition de villégiature de retour de Carhaix.

Définition de villégiature
Séjour que les personnes aisées font à la campagne, pendant la belle saison. Ital. villeggiatura, de villeggiare, séjourner à la campagne, de villa, maison de campagne.

La notion de voyage et de séjour me semble des plus justes pour décrire ce que nous avons observé à Carhaix.

Avant de sortir de la tente, je me suis rendu compte que la musique n’était pas du tout absente, mais au contraire présente partout : depuis la veille, les balances se font avec du Jamiroquai et du Madonna. Comme le souligne Paul Veyne la musique touche directement les nerfs, de ce fait, on a du mal à la signaler, et il faut se rappeler plus généralement la difficulté à exposer la musique ou la chanson.

10h00 Nous allons avec Raphaël petit-déjeuner dans le centre de Carhaix. Nous choisissons un PMU et décidons d’établir nos notes ethnographiques chacun de notre côté. Nous ne les produisons pas dans une logique d’unicité de l’observation ethnographique par l’observateur. Nous sommes tout à fait conscients que l’observateur doit se signaler jusque dans sa restitution : non pas pour tendre à une quelconque objectivité mais objectiver la subjectivité de l’observateur. Signaler cette subjectivité trouve sa limite dans cette objectivation même car à moins de faire une analyse plus profonde de l’observateur (ce qui commence à être le cas), en tant que sociologues se comprenant dans le public et s’appliquant les théories qu’ils lui appliquent. Ainsi comme Jean-Claude Passeron affirme que le visiteur qu’il est peut pratiquer deux visions de façon exclusive et autonome : « Longtemps, j’ai possédé deux paires de lunettes pour visiter les musées. L’une, à verres documentaires, que j’emportais quand la curiosité historique, ethnographique ou archéologique m’incitait à visiter les collections et les expositions capables de m’informer par la richesse de leurs séries d’image sur les croyances et les goûts des sociétés exotiques ou d’époques lointaines. L’autre, dont les verres beaucoup plus précieux mais beaucoup plus fragiles accommodaient l’œil à l’espace artistique, ne s’imposait à mon choix que dans les moments et les lieux solennels où j’allais faire pèlerinage auprès des œuvres rares que je croyais inscrites dans le monde supra-lunaire de la Beauté comme sur une Sphère des Fixes ». Jean-Claude Passeron conclut son propos en rejetant l’exclusivité des visions produites -la volonté de savoir et la volonté d’art- par l’adoption « de verres à double foyer ; [appréciant] aussi le système varilux qui rapproche encore un peu des glissements progressifs du plaisir ». C’est cette double vision décrite déjà en place au sein d’un seul et même observateur qui autorise la mise en commun d’observations produites par deux observateurs, il reste à produire des repères assez forts pour que le lecteur puisse ajuster sa vision à celle qui lui est donnée à voir. Cette mise en commun ne limite pas aux observations directes de terrain. Notre démarche de type ethnographique renvoie à des techniques plus souvent affiliées à l’anthropologie à qui on assigne régulièrement un statut de science inductive, dont la connaissance serait principalement fondée sur l’expérience de terrain, ou ethnographie [ Berthelot, 2001]. Sans doute n’est-il pas superflu de rappeler ici, à la suite de Lévi-Strauss, que la méthode de l’ethnographie s‘est imposée à l’occasion de l’étude de sociétés sans écriture, et non pas comme un choix épistémologique intentionnel et initial de la discipline [1974b, p.378-379]. En l’absence d’une documentation textuelle, dont l’histoire nourrit des réflexions, il fallait aller « voir » comment vivaient les peuples « exotiques », et découvrir sur place ce en quoi ils croyaient exactement. N’étant pas anthropologues et disposant de données sociologiques préexistantes, on comprend pourquoi plus haut nous avons produit une synthèse de données quantitatives. En fait, nous nous plaçons dans ce qu’Howard Becker appelle une induction analytique pas-trop-rigoureuse. L’enquêteur, certes fictif, qui affiche le plus fort le principe d’induction est Sherlock Holmes : dès sa première aventure, L’Étude en rouge, il dialogue ainsi avec Watson – « Pas de données, encore, répondit-il. C’est une erreur capitale que d’échafauder des théories avant d’avoir des faits. Cela fausse le jugement ».- Nous n’avons pas le génie ni le courage de Sherlock Holmes de tout recommencer à chaque fois depuis les données. C’est pour cela que dans ce dans qui s’apparente à une ethnographie du Festival des Vieilles Charrues seront présentes des références à d’autres enquêtes sur les festivals et autres faits, événements, institutions culturels dans le cadre de la sociologie, des sciences de l’information et de la communication et plus généralement, des sciences humaines et sociales. Le paragraphe doit avoir au moins la vertu de faire semblant de s’arrêter la dimension réflexive de l’enquête ethnographique sur les Vieilles Charrues.

11h00 Nous réglons nos cafés et tartines avant d’aller nous balader en ville et de nous laisser aller au gré du terrain et de ses glissements .

12h00 Place de la Mairie, nous nous installons en terrasse d’un restaurant dont la vitrine indique qu’il est recommandé par le guide Géo. Menu : plat et dessert 11 euros 50. Notre voisin de tables est solitaire. Même menu que nous et comme nous il a du rouge dans le verre, à la manière coutumière dont il s’adresse au serveur, il a l’air d’être un « local » et de venir ici dans le cadre du travail. Notre voisin repère nos bracelets et nos accréditations autour du cou. Il nous demande ce que nous faisons aux Vieilles Charrues et d’où l’on vient. Nous avons juste le temps de répondre que nous sommes d’Avignon et d’essayer de nous présenter qu’il comprend que nous sommes des primo festivaliers, « des bleus ». Il se présente : « Jean-Philippe ». Il nous parle de Carhaix, de sa femme infirmière qui travaille, qu’il est en vacances et qu’il a décidé de venir déjeuner ici, car il est distributeur de bières et qu’il approvisionne le coin à l’année, les festivals et aussi celui des Vieilles Charrues. Il nous demande ce que nous faisons à Avignon. Nous nous présentons en tant que petits universitaires et que « Nous venons observer… » et avant d’avoir achever notre phrase, il la finit en disant « les comportements ». Il prend alors la suite… Il habite le Plouher et vient depuis longtemps. L’année dernière, il a emmené sa femme voir Johnny, lui il « l’aime pas » et il « [a] pas été déçu » : « Johnny nul, en appelant le public dans « la salle » il confondait le plein air et Bercy ». Lui ce qu’il préfère, c’est Julien Clerc. Ensuite, il nous dresse une liste de tout ce qu’il aimerait voir et écouter XXXX XXXX XXXX.

- « Et votre femme, elle a aimé Johnny ? »
- « Tu m’étonnes, elle a pleuré ! »
- « C’est pas l’essentiel ? »
- « Je sais faire des cadeaux, quand même, pour ma femme ».

Jean-Philippe revient ensuite u à un plan plus général. Il nous parle de la météo que la pluie de la veille avait à voir avec les lunaisons, « comme partout ». Il insiste sur l’importance de la météo que cette année, certains festivals ont déposé le bilan. « C’est important comme partout en France ». Nous acquiessons en ajoutant que selon la région, les maux météorologiques ne sont pas de même nature et qu’à Avignon, il est plus question de vent et que dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes, on voit certaines années des couvertures. Notre interlocuteur nous répond alors : « Avignon, c’est classique. Les gens viennent ici pour faire la fête et boire ». Il continue sur l’importance de la météo en disant que lorsqu’il ne fait pas chaud ou qu’il pleut, les festivaliers boivent moins de bière et que par contre lorsqu’il fait chaud, par contre, « ça descend et c’est pour ça que la bière est à trois degrés et heureusement ! ». Raphaël demande au serveur où sont les toilettes et à l’occasion j’en profite pour lui demander un cendrier. Jean-Philippe me met à l’aise et me dit que je peux la jeter par terre qu’ils balaieront ensuite. J’explique alors à Jean-Philippe que depuis que nous sommes arrivés, je suis très impressionné par la communication et le dispositif mis en place par le Festival pour le développement durable et l’écologie. Notre interlocuteur tique un peu « Ah, l’écologie, ça aurait du être fait depuis longtemps ! C’est pas, ce qui mettent en place, là. Moi, j’ai mis un système économique dans mes toilettes et un récupérateur d’eau pour le jardin. Mais, là ?! ». Le sujet tourne court. Et nous arrivons à la fin de notre repas. En se saluant, celui qui de lui-même avait décidé d’être un informateur privilégié, nous souhaite un bon festival même si nous avons peu de chances de nous recroiser et que ce mode de rencontre lui va très bien, enfin il nous conseille sur le site du Festival d’aller prendre nos bières et nourritures à la « Taverne », « c’est des produits du pays, du terroir ».

15h15. Artère principale de Carhaix (ce qui nous semble l’être), trois femmes et un homme nous arrêtent et nous demandent le chemin, cela veut dire que nous passons pour être des personnes à même de se repérer dans le territoire, mais quel territoire ? Cela voudrait-il dire selon le vocable des ethnologues que pour des étrangers nous passons autochtones ? Mais la question qui se pose est « étranger » de quoi ou en termes de communication, quelles compétences ces personnes n’ont-elles pas ? En réciproque, la question qui se pose est celle des compétences qui nous sont attribuées et dans quel territoire ? Il faut d’abord préciser la question que ces festivaliers nous ont posées : « Où se trouve le Festival ? ». Ensuite, il nous faut plus décrire ceux qui posent cette question et ce que nous avons pu en apprendre en quelques échanges. Ils ont entre 55 et 60 ans, ils viennent ensemble de Landernau à « cinquante kilomètres d’ici » et sont déjà venus à Carhaix mais pas pour le festival. Il « [font] leur première fois » et c’est le « Grand Charles » qui les a fait venir, enfin ils supposaient que ce n’était pas notre première fois -« Ah, bon, c’est la première fois ? »-. Maintenant à nouveaux frais, nous pouvons poser la question - autochtone de quoi ?- et –étranger de quoi ?-
Que cela soit Raphaël ou moi, à supposer qu’il y en ait et c’est une autre histoire, nous ne supportons aucun trait de que Roland Barthes aurait pu appeler la bretonnité. Nous ne sommes pas originaires de cette région, aussi, s’il devait y avoir un accent ou un lexis corporel breton, nous pouvons aucunement être susceptibles de les avoir, bref, nous ne pouvons pas dire que nous fassions du coin. D’autre part et dans le même sens, nous pouvons tout de suite remarquer que cette reconnaissance de la compétence à guider ne fonctionne pas non plus sur une communauté repérable par le port de rayures marines ou à un accent. En effet, les trois festivaliers en quête de chemin peuvent tout à fait –1- être qualifiés de locaux et à minima de régionaux et –2- sont déjà venus à Carhaix hors festival : en réciproque, -1- ils sont tout à fait à même de reconnaître le même qu’eux et –2- il savent et ont compris qu’une économie de l’événement qui perturbe et qui fonde -une économie où pour se repérer et s’approprier même lorsqu’on connaît le site, on repère la différence- s’est mise en place par rapport à la norme habituelle qu’ils ont de Carhaix. Ainsi, l’appartenance au territoire se renégocie autour du fait d’y être à l’aise ou du moins d’y avoir l’air d’être à l’aise, il faut maintenant décrire les personnes à qui ces primofestivaliers s’adressent : tout d’abord pas à des sociologues, mais à deux hommes, 25-30 ans, jeans, baskets, T-shirt, accréditations sous celui-ci mais le cordon reste visible autour du cou, sac à dos, bracelet violet, programme à la main, et ayant l’air de savoir où ils vont. Nous ne pouvons pas déterminer quel élément discriminant a été lu par les uns pour demander aux autres, mais nous pouvons supposer sans trop de risque qu’il ne rentre pas dans le régime habituel de cheminement dans Carhaix. Il ne s’agit pas de repérer le carhaixien de celui qui ne l’est pas, celui-ci peut tout à fait supporter ces traits d’étrangeté par rapport au régime habituel de Carhaix, mais de repérer le festivalier. Dans cette mesure, être festivalier est une façon d’habiter le monde avec une esthétique repérable par celui qui le vit mais aussi par celui qui peut avoir envie de le vivre. C’est certainement ici que se joue une des capacités des festivals à se transmettre. Cette esthétique du festivalier est repérable par quelques traits importants que sont, on l’a déjà remarqué, la manière de se chausser les pieds – baskets, tong, bottes- mais aussi la manière de se coiffer –bob, casquette, signes distinctifs-.

METTRE PHOTOS PIEDS
COIFFURE DISTINCTIVE
PONCHO ROSE

Cependant aux Vieilles Charrues ce qui nous a semblé plus particulièrement est une esthétique du poncho. Le poncho est METTRE DÉFINITION. Les médias locaux et régionaux ne s’y sont pas trompés d’ailleurs, allant jusqu’à transformer ce vêtement en média de promotion. Lorsque la pluie tombe, au-delà des stéréotypes et genres mis en place y compris par l’institution festivalière qui peuvent servir à redéfinir les publics– VOIR GENRE MIS EN PLACE PAR LES VIEILLES CHARRUES-, une éthique des Vieilles Charrues est plus sensible, une éthique territorialisée dans la mesure où comme Jacques Rancière le rappelle, à propos de l’éthique, « avant de signifier norme ou moralité, le mot ethos signifie deux choses : l’ethos est le séjour et la manière d’être, le mode de vie qui correspond à ce séjour. L’éthique est alors la pensée qui établit qui établit l’identité entre un environnement, une manière d’être et un principe d’action ».

Même quand il pleut, on est là ensemble et dans l’épreuve et plus l’épreuve est là, plus on est pareil. La forme festival performe ici la notion de médiation. Dans son ouvrage Pour une éthique de la médiation, Jean Caune pose la participation de la médiation culturelle à la construction du sens comme la mise en contact du sujet de parole, du support matériel de son expression et d’un interlocuteur qui partage avec lui un monde de références, c’est-à-dire une culture. Pour Jean Caune, l’usage de la notion de médiation est symptomatique d’une société qui craint de reconnaître les conflits et « aspire à renouer le tissu social déchiré par le développement incontrôlé de la logique marchande ». Dans cette idée, la médiation culturelle considérée depuis l’expérience esthétique devient ce qui peut fonder le lien sensible entre des sujets membres d’une même collectivité. Dans une double tension, la médiation culturelle peut être un des moyens pour construire le sens, maintenir la réalité du monde : - 1 celle de la relation des sujets à travers la relation interpersonnelle, -2 celle d’une relation transcendante des membres d’une collectivité à leur passé et à leur devenir.

Sous la pluie, la boue devient un liant et opère donc une forme de médiation. Les Vieilles Charrues performe la chanson de Michel Berger Pour être moins seul :

Pour être moins seul
Je suis venu chanter ma vie pour vous
Pour être moins seul
Et partager la musique entre nous
Nos amours qui flambent
Nos raisons qui tremblent
Nos destins qui tellement se ressemblent

Pour être moins seul
Quand vous quittiez la porte de chez vous
J’étais déjà seul
La tête pleine de notre rendez-vous
Nos amours qui flambent
Nos raisons qui tremblent
Tout ce qui ce soir nous rassemble
On n’est pas seuls
Puisqu’on est ensemble

« L’art et la morale, les sciences et les objets finalisés, la religion et le droit, la technique et les normes sociales, sont autant de stations par lesquelles doit passer le sujet pour gagner cette valeur spécifique qu’on appelle sa culture. Il faut qu’il les intègre en lui, mais c’est bien en lui-même qu’il doit les intégrer, c’est-à-dire qu’il ne peut pas les laisser subsister en tant que simples valeurs objectives. Tel est bien le paradoxe de la culture : la vie subjective, que nous éprouvons dans son flux continu et qui, d’elle-même, tend vers son propre accomplissement interne, est cependant incapable d’atteindre d’elle-même cet accomplissement du point de vue de l’idée de culture ; il lui faut passer par ces créations dont la forme lui est désormais tout à fait étrangère, cristallisées en une unité close et se suffisant à soi. La culture naît – et ce qui est finalement tout à fait essentiel pour la comprendre – de la rencontre de deux éléments, qui ne la contiennent ni l’un ni l’autre : l’âme subjective et les créations de l’esprit objectif » .

Nous l’avons remarqué plus haut aux Vieilles Charrues, on n’est jamais seul, tout est publicisé par la promiscuité des tentes, par l’esthétisation d’un style de vie jusque dans les toilettes.
15h20 Devant la gare de Carhaix, il ne pleut pas. Avec Raphaël, nous sommes allés voir les flux entrants. Des bénévoles accueillent, souhaitent la bienvenue et indiquent le chemin aux arrivants. Ils ont approximativement 18, 20 ans. Nous ne savons pas s’ils sont nombreux ou pas puisque nous n’avons pas de référence. Nous allons nous renseigner auprès des hôtes qui nous disent « Ça arrive doucement …».

15h30 Doucement, nous suivons la noria des festivaliers sac à dos – tente qui groupe par groupe vont remplir les onze campings qui recouvrent trente hectares. Ici, c’est à l’expertise des festivaliers sur eux-mêmes que nous allons faire appel. En effet, le festival des Vieilles Charrues génère une multitude de blogs où les participants du monde du festival étendent son dispositif de deux manières –1- en mettant à disposition des vidéos des concerts et –2- en relatant leur expérience et la vision qu’ils ont de cette pratique. De cette manière, les publics du Festival de Carhaix n’ont pas attendu les sociologues des publics pour faire de la sociologie des publics, ils ont ainsi produits une description analytique des campings avec un principe de régulation :

METTRE BLOG CAMPING LES JEUNES AU DÉBUT LES VIEUX AU FOND

15h30 Pour voir le pendant de la gare, nous nous dirigeons vers les parkings. Une demi-heure à pied. Il pleut. Les générations sont plus variées qu’à la gare.
Mettre description parking : a-t-on pris les plaques de voiture ? Pour montrer la territorialisation des publics.

17h30 Retour au centre-festival comme on dirait le centre-ville dans la mesure où il invente ses parkings, ses guichets de retrait, mais plus généralement son dispositif ex nihilo. Cet « à partir de rien » est évidemment à relativiser, mais contrairement à d’autres festivals, notamment ceux du sud-est, le Centre-Bretagne n’est pas une route de vacances consacrée, les Vieilles Charrues ne se produisent autour et dans un grand monument du patrimoine national comme le Palais des Papes. Dans les champs, depuis la terre, tout un champ sémantique qui s’opposant au patrimoine monumental peut être relié à la notion de patrimoine immatériel constitués de pratiques implantées dans un territoire et son imaginaire. La figure exemplaire de ce patrimoine immatériel étant pour les néophytes que nous sommes la fest noz où la réunion politique passe par la réunion, la danse collective face aux danses en couple plus aristocratqies. On retrouve en partie cette dimension politique de la danse dans la farandole provençale. D’aucuns retrouveront cette façon politique de réunir au travers des réunions de hip-hop. Pour notre part, nous nous sommes intéressés au discours des politiques qui étaient réunis (en tant que tutelles) comme il se doit autour du président de l’association des Vieilles Charrues afin de lancer cette Xème édition du festival. Nous avons pu ainsi repérer des mots clés dans la bouche du maire, du représentant du conseil général et celui du conseil régional :
- projet global de territoire- festival citoyen- développement durable- festival unique à dimension européenne en Bretagne-

Par rapport à d’autres discours de lancement de festival auxquels nous avons pu assister, l’occurrence « culturelle » est absente au profit d’un vocabulaire que des sociologues ont qualifié « gentry ». Si l’on peut qualifier ainsi le mode énonciatif les discours des politiques, on aurait plus de mal à estampiller le festival et son public de gentry tant le festival des Vieilles Charrues est fréquenté par des publics locaux et régionaux [mettre chiffre]. Il serait alors question de qualifier la Bretagne de gentry et si nous ne nous doutons pas qu’elle puisse en être une représentation, il n’est pas question pour nous de plaquer celle-ci directement sur ce territoire. Enfin, le Président remercie les tutelles et différencie son discours en rappelant le travail des bénévoles et la dimension artistique du festival. Tous ensemble, ils tirent le sillon des Vieilles Charrues.
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CONCERT NOUS ALLONS MANGER
METTRE LA PROGRAMMATION DU SOIR Katerine Rita Mitzouko
20H00 21H00 Nous allons manger dans une crêperie « en ville ». Les filles accostent franchement les mecs ! Nous testons le bar VIP du festival situé derrière la scène XXXXX. Ce bar « Very Important People » investit la dimension populaire franchouillarde plutôt que celle des lunettes noires pour nuit blanches d’inspiration plus anglo-saxonne. C’est un peu le bar VIP des familles où une population mêlant locaux et bénévoles se côtoient joyeusement. Selon l’artiste ou le groupe en scène, le bar s’anime devant l’écran redoublant le concert et à la fin du concert selon qu’ils s’arrêtent ou non. En fait, les artistes ont leur propre lieu de restauration « catering» » plus protégé.

00H00 Nous sommes sous la tente. Deuxième nuit. Le nombre de tentes a augmenté, du coup, l’intimité est grandissante, un couple dans une Queshua voisine :
- l’homme à la femme : « Chéri, c’est pas possible ! Le sac à bouffe sent la bière !»
À la fin des concerts, les bénévoles arrivent.

20 juillet 2007
10h00
Petit déjeuner au PMU. Nous nous laissons aller au cours du terrain, autrement dit on souffle un peu. Ce moment de relâche nous renseigne sur une autre dimension de ce festival : où trouver un lieu apaisant qui permette de ne rien faire, discuter, profiter d’un peu de silence ? Cette préoccupation ponctuelle dans le cadre d’un festival comme celui des Vieilles Charrues ne doit pas apparaître exclusive aux observateurs sociologues, mais un corollaire de la sollicitation permanente des festivaliers.

Sur le site des Vieilles Charrues, le corps est sans cesse sollicité :
- auditivement, visuellement, énergiquement dans la manière de le dépenser
- mais aussi de l’entretenir que ce soit dans la nourriture, la boisson, les aspirines et autres consommations qui ont un effet sur la condition physique
- mais aussi jusque dans la façon de marcher et peu importe la façon de se chausser lorsqu’il pleut un des enjeux est de ne pas glisser – ce qui a produit plusieurs états d’esprit au fur et à mesure de l’événement : de l’amusement à la fatigue, de la saturation du terrain boueux au développement d’une expertise dans l’art de marcher. Par rapport au règne animal, l’homme s’est accompli dans sa civilisation par la marche et sa démarche. Le festivalier des Vieilles Charrues contre les éléments naturels météorologiques développent une civilisation de la démarche.

12h00 Nous rechargeons les batteries de nos portables et déchargeons les mémoires de notre appareil photo à l’espace presse. Nous allons recharger nos batteries au restaurant VIP (15 euros le déjeuner), nous discutons du terrain et déchargeons nos mémoires sur les prothèses que sont devenus nos carnets.

14h00 Nous récupérons nos appareils d’enregistrement, puis nous nous relançons dans l’investigation des onze campings. C’est vendredi après-midi, les festivaliers arrivent en masse. Les files sont bien plus longues que la veille, le temps que les personnes y passent aussi. Pour l’observateur, cet étirement temporel permet de mieux observer comment une foule se transforme en public. Robert PARK
Une jeune fille 18-20 ans s’adresse à une autre jeune fille de son âge : « Imagine comment c’était quand on endurait l’armée. »
On continue ce qui devient une randonnée. Vers 15h00, nous entendons un groupe de jeunes hommes entre 20 et 25 ans qui crient à tue-têtes « Lapin ! Lapin !». Raphaël m’explique que dans la phase d’analyse documentaire notamment sur internet précédant l’enquête de terrain, il a repéré à ce que nous pouvons décrire comme une légende urbaine de la cité que nous avons commencé à décrire non pas comme celle du Festival des Vieilles Charrues comme étant le Festival des Vieilles Charrues.

Mettre la légende « il faut attraper le lapin »

Pour nous, il s’agit d’une légende urbaine par rapport au territoire, à la cité dont elle participe à l’identité. Il serait intéressant de repérer à partir de quels moments de l’histoire des Vieilles Charrues, cette légende s’est inventée. Mais, le fait de sa circulation sur la toile la construit comme légende urbaine. On retrouve l’investissement d’un genre narratif d’un événement, le genre potache proche du bizutage. Cette histoire dans sa transmission se répond comme une rumeur par le bouche à oreille ou bien par le net. Légende contemporaine, elle est répétée sans être vérifiée. La question n’est pas de savoir si elle est vraie, sa véracité n’est pas un enjeu dans les discours. C’est une incantation ludique. La question qui se pose en termes d’authenticité est celle de sa performance. Est-elle assez forte, c’est-à-dire assez ludique pour que ceux y participent en nourrissant le symbole par leurs mots se mettent à le performer par leurs actes en jouant à cette légende urbaine ? C’est une création populaire dans sa définition puisque inventée et racontée par le public et plus généralement, cette légende participe à un folklore moderne, une façon de raconter et d’interpréter le monde.
19h30 Manger. 20h00 Concert.

Mettre Programme concert et photo

2h00 Nuit au camping des bénévoles, les tentes se sont encore resserrés. Ça s’engueule sur un ton gouaille. Un campeur s’adresse à un groupe de campeurs tapageurs qui se trouvent à quelques mètres de notre tente. Pendant deux heures, il les accostent, prend à témoin les autres campeurs : « Vous faîtes chier tout le monde. Allez au moins là-bas ». Impression d’être dans un film italien où l’espace public et privé sont confondus. De temps en temps, les tapageurs font un effort de tranquillité, mais les rires et les éclats de voix reprennent vite.

4h00 Le ton monte et le campeur en quête de sommeil décide de se déplacer. Ça chauffe. Palabres, tractations, finalement, il reste avec eux et joint sa voix aux leurs. Ils se quittent à 6h00 après s’être chaleureusement réconciliés autour de verres et passer trois quarts d’heure à se souhaiter bonne nuit. Le lendemain, j’achèterai des boules « quiès » .

2I juillet 2007

10h00 Réveil dur. Douches. Direction place de la mairie ou se tient un marché avec des produits du terroir. Il se différencie du marché qui se tient le temps du festival aux abords du site des Vieilles Charrues où les badges sont nécessaires. Ce marché n’investit pas une identité locale, mais plutôt alter-mondialiste et donc mondialisée autrement au sens littéral avec des objets liées aux cultures du monde, aux activités liées aux événements et au style de vie alter-mondialiste des vêtements aux diabolos… Ce marché est un sas avant de pénétrer dans l’événement pour ceux qui se rendent sur le site et comme les frontières, il est aussi un lieu de mélange dans la mesure où ceux qui profitent des concerts à ceux qui profitent de l’ambiance habituellement qualifiés de festivaliers et de non festivaliers. Le marché du samedi de la place est aussi un lieu de mélange car il est fréquenté par les populations festivalières et non festivalières, mais il rappelle le régime habituel de fonctionnement de Carhaix.

Sur la place, nous nous installons à une terrasse de café. Nous sommes crevés de notre nuit et sommes impatients de boire un café réparateur. Nous sommes assez silencieux et avons tout le temps de repérer les discussions qui nous environnent. À la table juste à côté de la nôtre, deux hommes 35-40 ans discutent : « Joey Star, tu peux dire ce que tu veux, c’est un con, mais sur scène, il donne sur scène ». À la suite de leur conversation, on comprend qu’ils travaillent à la captation vidéo des concerts. Ils travaillent entre autres à la captation vidéo de la Star Academy. Ils commentent le public « Tu te rends compte la moitié du public ne regardait pas Peter Gabriel ». Il est toujours surprenant pour le sociologue de constater y compris dans des formes de culture moins savantes ou codifiées que l’opéra ou le théâtre, l’attente formulée par une grande partie des commentaires des publics, professionnels ou non sur le recueillement que celui devrait avoir face à l’œuvre et l’artiste. Cette attitude de recueillement face à la culture est un des attributs de la culture bourgeoise dans son réappropriation par l’espace public de la culture et oeuvres d’art de l’espace aristocratique et privé. Être recueilli en public, c’est une façon pleine d’être avec les autres en préservant son rapport individuel. Bref, c’est une des autres conséquences, je ne peux pas être seul avec l’œuvre quand je suis avec les autres. Bref, on peut être tout à fait surpris de ce genre de commentaire, lorsqu’une partie de la culture rock est une affirmation de l’individu dans, avec et contre l’espace public :le pogo peut en être considéré comme exemplaire. Mais et on voit là une des limites de l’observation et de l’utilisation de discours recueillis par celle-ci comme ceux d’informateurs privilégiés, il ne sont pas exempts de points de vue. Dans la suite de leur conversation, ces deux hommes ont parlé de leurs rapports à leurs collègues techniciens audiovisuels : « Les intermittents font la loi ici ». Il était question de la gestion horaire des volume de travail au sein d’équipe composée de membres aux statuts différents. Pourtant, il faut se rappeler que lors du mouvement des intermittents en 2003, les Vieilles Charrues avait été un des rares festivals à ne pas être annulé dans la mesure où une chaîne humaine s’était formée pour défendre leur festival.

Trouver article de presse ou discours institutionnel sur le site sur 2003

14h00 Retour sur le site. À la toute entrée, une jeune femme et un jeune homme de 18-20 ans semblent perdus. Ils sont assis sur talus et ne savent pas par où entamer ce qui semble leur première fois : lui « Ils disent que c’est convivial » , elle « Beh, oui, ils disent ».

15h00 Nous nous dirigeons vers la conférence de presse où des spectateurs mis en en avant.

Mettre retranscription raf

22 juillet 2007

Nous prenons notre petit-déjeuner au camping des bénévoles. Le café est servi autour d’une buvette et de quelques tables. C’est le dernier jour de festival, les convives de table sont occupés à lire la presse Ouest, Le Télégramme. Il y a à peu près autant d’hommes que de femmes et toutes les représentants entre 18 et 50 ans. Les conversations mélangent toutes sortes de sujet : certains parlent ont des références générationnelles en se rappelant des Chevaliers du zodiaque ou bien de Star Wars kid . De l’autre côté de la table, les conversations sont plus politiques : « Tu sais même pas pur qui j’ai voté ? » , « Besancenot ? », « Non, j’ai voté pour Royal. Faut-être sérieux au bout d’un moment ». D’autres sujets de conversation autour de la table apparaissent et se resserrent autour des rubriques politiques et sociales des journaux : répression des fraudes, suicides chez Renault et PSA, ministère du travail. Enfin, on lit les articles sur les Vieilles Charrues, il y un article négatif (le retrouver) sur les publics et leurs comportements. Deux hommes, la quarantaine, attablés râlent dessus et sont écoutés d’une oreille par le reste de la table :« Quelle image, quand on lit ça ? Ma mère, quand elle lit ça, elle pense que son fils est comme ça ! ».

Nous allons défaire la tente et un homme, la trentaine, s’approche de nous et nous demande pourquoi, on rentre. On lui dit que nous avons du boulot à Avignon et que nous devons rentrer. Il nous dit qu’il a remarqué nos badges en nous montrant le sien, il parle assez fort pour d’autres l’entendent, et qu’on devrait se croiser autre part cet été. Ils nous fait alors la liste des festivals qu’il va faire dans l’été. Il nous demande ce que nous faisons sur le festival. Nous lui répondons que nous sommes enseignant-chercheurs et visiblement à son expression, il vit comme une vieille déception et il s’en va. Ayant remarqué auparavant ce voisin venu nous dire au revoir, nous avons pu remarqué sa façon d’aborder les festivaliers comme un prescripteur mais aussi le fait qu’ils étaient plusieurs dans le campement à se connaître et à se demander les festivals qu’ils avaient et qu’ils allaient faire dans l’été. Il est à remarquer que les festivals cités étaient tous en Bretagne. En devenant bénévole à plein temps durant le temps des festivals, ils circulent et occupent une partie de leur été. Leur style de vie dans le temps des festivals est un mélange entre roaders, bitnicks et circuit initiatique à l’américaine.

XXh00 Nous sommes devant la gare. Et des festivaliers sur le départ sont assis par terre près de leur sacs à dos. Certains lisent des magazines de teen-agers, des bouquins policiers, des romans et d’autres ont des écouteurs dans les oreilles et écoutent de la musique. La pratique festivalière est une pratique culturelle non exclusive : elle ne nous oblige pas dans son temps à abandonner nos autres pratiques culturelles.

Nous montons dans le train. Il est plein. Un jeune homme de 18-20 ans a raccompagné ses camarades qui sont maintenant dans le wagon. Il fait le pitre pour les faire rire. Finalement, c’est tout le wagon qu’il fait rire, il se prend et commence à faire le spectacle pour tout le monde, il continuera en courant après le train. Raphaël et moi, n’avons pas pu nous nous asseoir l’un à côté de l’autre. Je suis assis avec trois jeunes filles entre 16 et 18 ans. Elles lisent le journal et mesurent leur festival : « Tu te rends compte », « C’était comme ça », « C’était vert. Et comme sous notre tente, rappelle-toi. » Puis, elle tombe sur un article sur le directeur : « Il a quel âge, 30 ans ? », « 37 ans, non, en tous cas, il les fait pas ». Ensuite, elles mesurent les traces du festival sur leur corps « En fait, tu crois que t’es bronzée et non en fait, t’es crade ! Rires ». On sort par la forêt. Dans les villages que nous traversons, des promeneurs font coucou.

J’arrête de prendre des notes dans ce carnet.

Je suis passé le 19 août 2007 Carhaix, il reste des traces dans les champs. Carhaix n’est pas le désert que j’imaginais au mois d’août. Je n’arrive pas à indiquer ou se trouvaient les campings. Je découvre des panneaux indiquant plein d’activités des loisirs bowling, stades… que je n’avais. Déjà sur dans la performance même du terrain, j’oubliais et j’ajoutais.


Informateur privilégiée Mettre définition et différencier des entretenus avec mini topo sur le statut des différents entretiens
Habituellement, on constate en sociologie de la culture qu’un spectateur se définit par rapport à sa pratique culturelle mais aussi à la représentation qu’il en a. Il est remarquable que cette représentation ici est formalisée par des caractères descriptifs et techniques qui la font rentrer dans le registre des expériences « particulières » puisque mesurables et cela « particulièrement » par rapport à d’autres expériences.
Frédéric Diaz, « L'observation participante comme outil de compréhension du champ de la sécurité (Janvier 2005). », Champ pénal, Champ pénal Champ pénal, [En ligne], mis en ligne le . URL : http://champpenal.revues.org/document79.html. Consulté le 1 août 2007.
http://www.vieillescharrues.asso.fr/association/index.php Avec le festival des Vieilles Charrues, c'est un événement culturel qui rend possible une expérience d'économie solidaire. Grâce à l'effort de tous, près de 200 000 personnes sont accueillies à Carhaix chaque été. Ce succès assure la bonne santé économique de l'association qui s'autofinance à plus de 90%. Les bénéfices complémentaires sont en partie redistribuées aux associations qui oeuvrent bénévolement à la réussite du festival, contribuant ainsi à leur fonctionnement et au rôle prépondérant que tient le secteur associatif dans le tissu économique et social de notre région.
Le reste est utilisé par les Vieilles Charrues pour 2 types de projet :
Un travail de développement culturel à l'échelle du COB et de la Bretagne par les Jeunes Charrues, les Mémoires du Kreiz-Breizh ou le nouveau projet de centre de création visant à soutenir les artistes de Bretagne dans leurs nouveaux projets d'expression.
Des projets structurants sur le territoire du COB. Les Vieilles Charrues ont ainsi aidé à l'implantation du lycée Diwan à Carhaix, à la rénovation du château de Kerampuilh et plus récemment à l'émergence d'un équipement multimodal complémentaire du centre culturel existant à Carhaix, l'Espace Glenmor.
Mettre définition de toilettes sèches
Voir à ce propos Juliette Dalbavie, Exposer des objets sonores : le cas des chansons de Brassens.
Stéphane Beaud, Florence Weber, Méthode en sociologie de terrain, cf Bouquin Raphaël,
Jean-Claude Passeron « L’Oeil et ses maîtres : fable sur les plaisirs et les savoirs de la peinture » in Les Jolis paysans peints, Marseille, Musée des Beaux-Arts de Marseille – IMEREC, 1990, p 99.
Lionel Obadia, L’Anthropologie des religions, Paris, Repères, La Découverte, pp 24-25.
Conan DOYLE, Sherlock Holmes, une étude en rouge, Paris, Librio, 1995, pp 27-28
CF ARTICLE JOURNAL DANS LA DOC.
En tant que festivalier, Jean-Philippe a supposé puis constaté qu’il était en situation d’entretien. Aussi, nous avons pu sortir les carnets et lui guider l’entretien plus à son aise.
Marie-Hélène Poggi remarque la manière dont les « locaux » et « régionaux » nomment Avignon au mois de juillet que l’on pratique les lieux balisés de théâtre ou pas : on ne va plus à Avignon ou en ville mais au festival. Marie-Hélène Poggi, « Discours et figures de la ville en festival » in Emmanuel Ethis (sous la dir.), Avignon, le public réinventé, Le festival sous le regard des sciences sociales, 2002, Paris, La Documentation Française, p 167-177.

Jacques Rancière, Malaise dans l’esthétique, Paris, Galilée, 2004, pp 145-146.
Jean Caune, Pour une éthique de la médiation, le sens des pratiques culturelles, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 1999, 296 p.

Georg Simmel, La Tragédie de la culture, Rivages poche/ Petite bibliothèque, Paris, 1988, p 184.

Le terme de flux est un terme que nous avons entendu utilisé dans l’organisation festivalière.
TRADUIRE ET METTRE DÉFINTION FEST NOZ
Citer méoire danse provençale
Bibliographie
_ Véronique Campion-Vincent, Jean-Bruno Renard. Rumeurs et légendes urbaines. PUF, 1999 (Que sais-je ? ; N° 3445).
_ Véronique Campion-Vincent, Jean-Bruno Renard. Légendes urbaines : rumeurs d'aujourd'hui. Payot, 1998.
_ Véronique Campion-Vincent, Jean-Bruno Renard. De source sûre : nouvelles rumeurs d'aujourd'hui. Payot, 2003.
_ Edgar Morin. La Rumeur d'Orléans. Seuil, 1969 (L'Histoire immédiate).
_ Jean-Bruno Renard. "Entre faits divers et mythes : les légendes urbaines", Religiologiques, n° 10, automne 1994.
_ Stephen Smith. "Abdelhak Serhane et Tahar Ben Jelloun : deux versions littéraires de la même légende urbaine". Francographie (New York), 1997, n° 6, p. 139-147.
_ Arnold Van Gennep. La Formation des légendes. Flammarion, 1910.
Francophones
_ Hoaxbuster, site francophone vérifiant les légendes circulant par courriel
_ Hoaxkiller.fr, moteur de recherche francophone anti-canulars
_ Mysterious Yanick D, Œuvre électronique traitant des légendes urbaines et des mythes propres à la cyber-culture
_ Rumeurs et rumorologie, site francophone recensant les textes théoriques sur la rumeur
_ Secuser.com, liste des faux (et vrais) virus circulant sur Internet
_ Urlen.com, Site francophone recensant les légendes urbaines, forum de discussion
un procédé d'authentification « par la convocation de témoignages, par des indications de mode, date et de lieu, par l'intervention de leur propre autorité » (Berlioz)
Dessin animé du Club Dorothée
Parodie qui a circulé sur internet

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